NEW YORK – Des spécialistes ont évalué en 2013 un total de 434 médicaments commercialisés ces 25 dernières années (1988 à 2013) et les ont jugé en fonction de différents paramètres comme l’efficacité, la tolérance, la présence d’un nouveau mécanisme d’action, la facilité d’utilisation, etc.
Cette étude a été publiée dans la revue Nature Reviews en 2013. Plus de 180 médecins et scientifiques ainsi que 30 centres médicaux de référence aux Etats-Unis ont pris part à ce travail, ils devaient établir un classement des molécules (dans certains cas il s’agit de classe de médicaments) les plus innovantes en fonction de 15 spécialités médicales, voici leurs résultats:
Psychiatrie
– Fluoxétine. Une molécule utilisée principalement dans le traitement de la dépression. Un médicament qui porte le célèbre nom de Prozac® dans de nombreux pays et notamment en France, au Canada, en Belgique et aux Etats-Unis. En Suisse, il est vendu sous le nom de Fluctine®. Actuellement les noms de marque existent toujours mais il y a de nombreux génériques de la fluoxétine sur le marché (en général Fluoxétine + nom fabricant générique). Cette molécule a été découverte en 1974 par le laboratoire américain Eli Lilly, mais commercialisée seulement en 1986. Elle appartient à la famille des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS).
Commentaire de Creapharma: la fluoxétine et notamment les ISRS ont modifié significativement la traitement médicamenteux de la dépression, une maladie très fréquente de notre époque principalement urbaine (avec tous les problèmes comme le stress), les ISRS sont des médicaments en général efficaces et présentent moins d’effets secondaires que des classes d’antidépresseurs plus anciens comme les tricycliques, ceux-ci provoquent beaucoup d’effets secondaires.
Pneumologie
– Epoprosténol. Cette molécule permet de soigner l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). En France, il porte le nom de Flolan® et aux Etats-Unis de Veletri®. Il s’agit d’un médicament administré sous forme de perfusion. Ce traitement a été développé par le laboratoire suisse Actelion et l’américain GeneraMedix Inc. (selon nos recherches), il est toutefois commercialisé par exemple en France par le laboratoire britannique GSK. Il existe en France également des génériques à base d’époprosténol.
Néphrologie
– Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA ou de l’anglais IACE). Il s’agit dans ce cas d’une classe de médicament et non d’une seule molécule. Citons par exemple le captopril, première molécule de la classe des IECA commercialisé en 1981. Par la suite d’autres molécules de cette famille ont été lancé sur le marché comme le lisinopril, c’est probablement pour cette raison que les chercheurs ont inclus les IECA dans les médicaments de ces 25 dernières années.
Les IECA sont indiqués surtout en cas d’hypertension artérielle, d’insuffisance cardiaque ou de coronaropathie. Ils permettent en particulier de limiter les lésions rénales, grave complication de l’hypertension.
Neurologie
– Sumatriptan. Comme son nom l’indique cette molécule appartient aux triptans, une classe de médicament qui a fortement amélioré le traitement de la migraine. Le sumatriptan est le premier triptan commercialisé (en 1991). En France et en Suisse, cette molécule porte le nom d’Imigran®, il existe actuellement également plusieurs génériques. Cette molécule permet de traiter une migraine avec ou sans aura. C’est le laboratoire britannique GSK qui a découvert ce traitement.
Opthalmologie
– Anti-VEGF. Une nouvelle classe de médicament utilisée en cas de problème de rétine en particulier, notamment liée à la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Ils permettent de prévenir la cécité.
Cardiologie
– Lovastatine. La première molécule de la famille des statines mise sur le marché. Les statines sont très utilisées dans le monde, notamment en prévention d’accident cardio-vasculaire (infarctus, AVC) pour abaisser le taux de cholestérol. Cette classe de médicaments fait parfois l’objet de certaines polémiques dans la communauté scientifique. Toutefois, dans son indication pour soigner l’hypercholestérolémie familiale, une maladie d’origine génétique, les statines sont unanimement reconnues pour son efficacité thérapeutique.
Gastro-entérologie
– Oméprazole. Une molécule appartenant à la famille des inhibiteurs de la pompe à proton (IPP). Ces médicaments limitent la production acide au niveau gastrique et sont indiqués en cas de brûlures de l’estomac, ulcère gastro-duodénal ou de reflux gastro-oesophagien.
L’oméprazole a été découvert par la laboratoire britannique AstraZeneca, il est vendu en France sous le nom de Mopral®. Il existe actuellement des génériques sur le marché. Il a été commercialisé pour la première fois aux Etats-Unis en 1989 sous les noms de marque Losec® et Prilosec®. Dans certains pays l’oméprazole est en vente libre (OTC), c’est-à-dire ne nécessite pas d’ordonnance.
Commentaire de Creapharma
Sans surprise, ce médicament se trouve en tête de liste de la gastro-entérologie. Il est en effet bien toléré par les patients et permet une réduction radicale de la sécrétion acide au niveau de l’estomac. On sait que la gastrite dans une définition large (brûlures d’estomac, acidité) concerne de façon chronique ou occasionnelle presque 1 habitant sur 3 dans le monde. C’est tout simplement l’un des médicaments les plus prescrits au monde.
Anesthésiologie
– Propofol (diisopropylphénol). Il s’agit d’un anesthésique général intraveineux agissant sur le système nerveux. Pour l’anecdote, le chanteur Michael Jackson serait mort le 25 juin 2009 en partie à cause de cette substance utilisée probablement de façon inadéquate, des anxiolytiques ont aussi été retrouvé dans l’autopsie. Cette molécule a été développée à l’origine par Imperial Chemical Industries (ICI), une société britannique qui n’existe plus.
Urologie
– Sildénafil. C’est le célèbre Viagra®, il existe actuellement aussi des génériques en tout cas sur certains marchés. Cette pilule bleue a été commercialisée par la société américaine Pfizer. La découverte est toutefois à mettre au crédit de chercheurs britanniques.
Le sildénafil est surtout indiqué et connu contre la dysfonction érectile.
Commentaire de Creapharma
Il est évident qu’on ne peut pas comparer le sildénafil avec l’imatinib (voir molécule suivante) en terme d’innovation et surtout de service rendu à l’humanité. Toutefois, dans un monde où les hommes vivent toujours plus âgés et la sexualité très valorisée à notre époque, le sildénafil a fortement amélioré la qualité de vie de millions d’hommes à travers le monde.
Oncologie
– Imatinib. Cette molécule est plus connue sous son nom de marque, Glivec® (Gleevec® aux Etats-Unis et au Canada). Médicament développé par le laboratoire suisse Novartis. L’imatinib est un inhibiteur de la tyrosie kinase et est indiqué notamment contre la leucémie myéloïde chronique.
Commentaire de Creapharma
Le Glivec® est probablement l’innovation la plus spectaculaire de ces 25 dernières années, il permet tout simplement de sauver des vies et notamment de nombreux enfants. Il prévient l’apparition d’une phase aiguë et souvent mortelle de la leucémie.
Certains médias de l’époque ont parlé de “magic bullet” pour qualifier ce médicament et d’autres traitements innovants lui ressemblant, comme une balle magique qui cible directement les cellules cancéreuses.
Un bémol toutefois, comme pour de nombreux médicaments mis sur le marché ces dernières années son prix s’avère très élevé.
Remarque : le trastuzumabe (Herceptin®) mis sur le marché en 1998 aux Etats-Unis est un médicament anti-cancéreux aussi très important dans l’histoire de la médecine. Ce médicament ciblé a permis de guérir et soigner de nombreux cancers.
Génétique
– Alglucerase. Médicament utilisé pour soigner la maladie de Gaucher, une maladie génétique engendrant un déficit enzymatique.
Dermatologie
– Inhibiteurs du TNF (ou inhibiteurs du TNF alpha). Une classe de médicaments indiquée lors de maladie inflammatoire comme en dermatologie le psoriasis. Citons quelques molécules (liste non exhaustive) appartenant à cette classe de médicament comme l’étanercept (Embrel®), l’adalimumab (Humira®) ou encore l’infliximab (Remicade®).
Commentaire de Creapharma
Ces traitements sont de vraies innovations chez des patients souffrant de psoriasis. La seule critique, tout comme pour l’imatinib, est le prix élevé de ces traitements, ce qui limite fortement son usage dans des pays à bas revenu ou même à revenu intermédiaire.
Rhumathologie
– Inhibiteurs du TNF (ou inhibiteurs du TNF alpha). Tout comme en dermatologie, cette classe de médicament a été élue la plus innovante. En rhumatologie on l’utilise principalement pour soigner la polyarthrite rhumatoïde.
Endocrinologie
– Bisphosphonates. Une classe de médicaments utilisé en cas d’ostéoporose. Ils ont une action notamment chez les femmes ménopausées en diminuant le risque de fractures.
Infectiologie
– Inhibiteurs de protéase (IP). Une classe de médicaments ayant joué un rôle clé dans l’amélioration radicale du traitement du SIDA. Rappelons que le sida est désormais considéré comme une maladie chronique lors d’une prise en charge médicale de haute qualité (traitement, suivi, diagnostic). La première molécule développée de la classe des IP était le saquinavir, commercialisé pour la première fois en 1995 sur le marché américain.
Le tout premier médicament mis sur le marché pour soigner le SIDA était la zidovudine (AZT), un inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse (NRTI).
Article mis à jour le 20 juillet 2021. Article écrit à l’origine en 2013.
Par Xavier Gruffat, pharmacien (ETH Zurich, Suisse).
Sources: The Most Transformative Drugs of the Past 25 Years: a Survey of Physicians (voir lien PubMed), Nature Reviews, Etats-Unis – Veja, Groupe Abril, Brésil.
