Codéine
La codéine est une molécule de la famille des opiacés avec des propriétés antitussive et analgésique. Elle est utilisée lors de toux sèche ou de douleurs, se présente souvent sous forme de sirop ou en gouttes. Ces dernières années, son efficacité contre la toux sèche est remise en question par certaines études (lire ci-dessous).
Noms de la molécule
Codéine, dans les médicaments en général sous forme de sel de codéine : ex. codeini phosphas hemihydricus.
Nom chimique de la codéine : 5R,6S)-7,8-didehydro-4,5-époxy-
3-méthoxy-N-méthylmorphinan-6-ol
Formule chimique :
C18H21NO3
Origine et aspect chimique
La codéine est un alcaloïde provenant de l’opium (qu’on trouve dans le pavot) de la classe des opiacés qui se distingue de la morphine seulement par la présence d’un groupe méthyl sur le groupe hydroxyl à l’atome C3 du goupe benzyl, ce groupe méthyl a l’avantage par rapport à la morphine de diminuer le first pass effect et par conséquent d’augmenter la biodisponibilité par voie orale.
Temps de demi-vie
Le temps de demi-vie de la codéine est de 3 à 4 h. La codéine présente plusieurs métabolites actifs comme la morphine (lire ci-dessous).
Transformation en morphine
On estime que 10% de la codéine est transformée (par le substrat CYP2D6) en morphine par le foie, la codéine peut être ainsi considérée comme une morphine “light”. On peut aussi affirmer que dans une certaine mesure la codéine est une pro-drug de la morphine. Cette transformation en morphine dans le foie serait responsable pour l’effet antidouleur de la codéine. L’élimination de la codéine par l’organisme est principalement hépatique.
Métaboliseurs lents ou rapides de la codéine :
Chez environ 1 personne sur 15 ou environ 6,5% de la population la codéine n’a pas d’effet sur la douleur. On parle de métaboliseur lent, c’est-à-dire avec une activité faible de la CYP2D6, ce chiffre serait même de 8% de la population au Royaume-Uni1). Au contraire chez environ 1 personne sur 30 (métaboliseur rapide ou ultra-rapide) ou un peu plus de 3% de la population, plus modérées certaines sources parlent de 1 à 2% de la population européenne, la codéine a un effet trop important, car un excès de codéine est transformé en morphine. Il peut s’en suivre des effets indésirables parfois très problématiques comme un risque d’addiction. Par conséquent, la codéine ne doit pas être prescrite chez les métaboliseurs rapide ou ultra-rapide. Chez les métaboliseurs lents la codéine ne doit pas être prescrite contre la douleur, par manque d’efficacité.
Effets :
– Antitussif (notamment par diminution du réflexe tussigène en diminuant l’excitabilité du centre de la toux), analgésique (à dose supérieure que pour son action antitussive)
Indications :
– Toux sèche (toux non productive), douleur légère à modérée (attention ne fonctionne pas chez environ 10% de la population qui sont des métaboliseurs lents ou rapides, comme on l’a vu ci-dessus), extinction de voix, diarrhée aiguë.
Remarques sur les indications :
– Lors de douleur postopératoire en ambulatoire, il faut préférer en général des anti-inflammatoires non stéroïdiens comme l’ibuprofène (lire davantage ci-dessous sous Remarques).
– Une étude citée dans le livre en allemand de référence en Suisse “100 wichtige Medikamente” – Infomed (2020) est arrivée à la conclusion qu’une prise quotidienne de 15 mg de codéine réduit le nombre de cas de toux de 40%. Mais quelques études récentes, toujours selon ce livre, n’ont pas réussi à montrer ou prouver à nouveau l’efficacité de la codéine contre la toux. Plus d’informations ci-dessous sous Remarques.
– On estime que 30 mg de codéine correspond au pouvoir analgésique de 325 mg à 650 mg de paracétamol. Il est possible aussi de combiner les 2 molécules en association, on trouve dans plusieurs pays des médicaments vendus sous forme de comprimé (cachet en France) comprenant 30 mg de codéine et 500 mg de paracétamol.
Dosage :
Variable selon l’indication (toux ou douleur), demandez conseil à votre médecin ou pharmacien pour plus d’information.
– Contre la toux sèche pour un adulte : dose initiale (par voie orale) : 10 à 20 mg de codéine puis chaque 6 heures 10 à 30 mg en dose d’entretien.
– Contre la douleur pour un adulte : dose initiale (par voie orale) : 15 à 30 mg de codéine puis chaque 6 heures 15 à 60 mg en dose d’entretien.
Formes galéniques :
En vente en pharmacie (OTC) ou sur prescription médical (Rx) sous forme de comprimés (ex. avec 50 mg de codéine), pastilles (ex. de 3 ou 5 mg de codéine), sirop (ex. 1 mg/ml), gouttes (ex. 13,6 mg/ml).
Il existe aussi des préparations en association avec le paracétamol (ex. 30 mg de codéine et 500 mg de paracétamol, voir la liste ci-dessous).
Posologie :
En général, une dose de codéine est prise pour un adulte chaque 6 heures. Voir aussi sous dosage ci-dessus. Relevons que la posologie peut varier d’une personne à l’autre, demandez conseil à votre médecin.
Effets secondaires :
Constipation (la constipation est un problème particulièrement problématique lors d’une utilisation à long terme de la codéine), nausée, vomissement, problèmes gastro-intestinaux, euphorie, troubles du sommeil, dépression respiratoire (rare aux doses usuelles mais plus fréquente chez les enfants, aux Etats-Unis la codéine est strictement contre-indiquée chez les enfants), dépendance à la codéine, somnolence, hypotension, etc.
Pour plus d’informations veuillez lire la notice d’emballage du médicament.
Contre-indications :
Personnes dépendantes à d’autres opiacés (héroïne, morphine) car risque élevé de dépendance à la codéine, hypersensibilité à la codéine, toux grasse (toux productive), après l’ablation des amygdales la codéine peut entraîner la mort chez certains jeunes enfants porteurs d’une anomalie génétique, insuffisance respiratoire (peu importe le degré, aux Etats-Unis la codéine est strictement contre-indiquée à cause d’un risque élevé de dépression respiratoire, lire news ci-dessous également), asthme, grossesse, allaitement (les femmes qui allaitent), insuffisance respiratoire avancée.
Au niveau européen depuis 2015 et en Suisse depuis 2017, la codéine pour traiter la toux et le refroidissement (Suisse) est contre-indiquée chez les enfants de moins de 12 ans. Patients connus comme étant des « métaboliseurs ultra-rapides » (des substrats du CYP2D6, lire ci-dessus).
Pour plus d’informations veuillez lire la notice d’emballage du médicament.
Interactions :
Possible interaction avec des antidépresseurs comme la fluoxétine, médicaments sédatifs, narcotiques, neuroleptiques, alcool (risque augmenté de sédation), etc.
Pour plus d’informations veuillez lire la notice d’emballage du médicament.
Grossesse :
Comme pour tous les médicaments, lors de grossesse il n’est pas conseillé de prendre des médicaments sauf autorisation de votre médecin ou pharmacien. Dans ce cas demandez conseil à un spécialiste et lisez la notice d’emballage. Selon des études la codéine doit seulement être prise en cas de nécessité (par ex. au 3ème trimestre), mais à notre avis jamais pendant le 1er trimestre de la grossesse.
Allaitement :
Théoriquement la codéine est contre-indiquée pendant l’allaitement, demandez conseil à votre pharmacien ou médecin.
Médicaments en Suisse (selon Compendium.ch, état en novembre 2022 – n’inclut pas les médicaments hors-commerce) :
En mono-préparations :
– Codéine Knoll®, comprimés
– Codicalm® Sirop
– Coditussin® Pastilles bronchiques
– Dr. Bähler pastilles pour les bronches avec codéine
– GEM Pastilles pour les bronches avec codéine (Tentan AG)
– Iropect® pastilles pour les bronches (Tentan AG)
– Makatussin Gouttes antitussives
– Makatussin Comp.
En multi-préparations :
– Co-Dafalgan® Comprimés filmés (codéine, paracétamol)
– Co-Dafalgan® Comprimés effervescents sécables (codéine, paracétamol)
– Resyl plus, gouttes (codéine, guaifénésine)
– Sano-Tuss (codéine, guaifénésine)
– Sanotussin (codéine, chlorhydrate d’éphédrine, thym)
Remarques :
– La codéine est une vieille molécule, enregistrée par la FDA américaine en 1834 déjà.
– Pour certaines spécialistes qui se basent sur des études, l’efficacité de la codéine contre la toux n’est pas clairement établie.
– La dihydrocodéine est un dérivé de la codéine, également utilisée contre la toux sèche comme médicament antitussif. La dihydrocodéine ne présente toutefois pas, à la différence de la codéine, d’effet analgésique.
Prescription chez les enfants et contre-indications :
– En septembre 2016, l’American Academy Pediatrics a renforcé ses avertissements sur la prescription de codéine chez les enfants, à cause d’un rapport montrant des morts et des risques d’effets secondaires grave incluant notamment des troubles respiratoires.
– Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) déconseille l’utilisation de codéine lors d’amygdalectomie.
– Suite à au moins 2 cas de décès d’adolescents en France à cause d’une consommation excessive de codéine à usage récréatif (drogue), le Ministère de la Santé français a décidé le 12 juillet 2017 de rendre la délivrance de médicaments contenant de la codéine sur prescription médicale. Autrement dit, en France il n’est plus possible d’acheter des médicaments à base de codéine en pharmacie sans ordonnance. Jusqu’au 12 juillet 2017, les médicaments à base de codéine comme des anti-douleur et sirops pour la toux pouvaient être délivrés sans ordonnance s’ils contenaient une quantité de codéine en dessous d’un certain seuil.
– Chez les enfants de moins de 12 ans, les médecins ne devraient pas prescrire de codéine, ce sont les recommandations du livre de référence suisse “100 wichtige Medikamente” – Infomed (publié début 2020).
Toux :
– En cas de toux sèche, le dextrométhorphane peut s’avérer une alternative efficace à la codéine. De plus, l’hydrocodone est plus forte que la codéine et peut être indiquée notamment lors de toux provoquée par une tumeur. Rappelons qu’en cas de toux grasse ou productive, les antitussifs comme la codéine ne doivent pas être prescrits.
– Pour certaines spécialistes qui se basent sur des études scientifiques, l’efficacité de la codéine contre la toux n’est pas clairement établie.
Alternatives en cas de douleur :
– En cas de douleur notamment modérée (et pas légère), le tramadol est une alternative possible à la codéine.
– L’ibuprofène et les autres les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont supérieurs à la codéine pour gérer la douleur postopératoire en ambulatoire, selon une étude publiée en juin 2021 dans le CMAJ (DOI : 10.1503/cmaj.201915). Les AINS comme l’ibuprofène permettent de mieux contrôler la douleur et ont moins d’effets indésirables que la codéine. Pour arriver à ces résultats, des chercheurs provenant notamment de la McMaster University au Canada ont procédé à un examen systématique et à une méta-analyse de 40 essais contrôlés randomisés (ECR) de haute qualité portant sur plus de 5’100 adultes afin de comparer les niveaux de douleur et la sécurité des médicaments contenant de la codéine avec les AINS. Les auteurs ont constaté que les patients randomisés pour recevoir des AINS après une intervention chirurgicale ambulatoire ont rapporté de meilleurs scores de douleur, de meilleurs scores d’évaluation globale, moins d’effets indésirables et aucune différence dans les événements hémorragiques, par rapport à ceux recevant de la codéine.
Diarrhée :
– En cas de diarrhée aiguë, la codéine peut être une alternative bon marché au lopéramide (médicament de référence contre la diarrhée).
Sources et Références:
CBSNews, Pharmavista.net (site suisse de référence sur les médicaments, consulté le 13 juillet 2017), Ouest-France (site consulté le 13 juillet 2017), “100 wichtige Medikamente” – Infomed (2020), The Economist.
Etude :
CAMJ (DOI : 10.1503/cmaj.201915).
Rédaction :
Xavier Gruffat (pharmacien)
Crédits photos et infographies :
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Date de dernière mise à jour :
06.11.2023