WASHINGTON – Comme pour les vêtements, le monde de la nutrition et de la phytothérapie sont aussi touchés par certains effets de mode. Après le chia, l’açaï, l’eau de coco ou encore les baies de goji, c’est désormais à l’aronie de faire la une des médias, notamment américains. Mais le succès de l’aronie ne se limite pas seulement au pays de l’Oncle Sam, l’année passée on estime que dans le monde 440 nouveaux produits à base d’aronie ont été lancés globalement, 60 aux Etats-Unis.
La mode sert bien sûr le capitalisme, sans que cela soit forcément négatif, avec pour fonction d’augmenter les ventes de toute la chaîne de production et de distribution, des agriculteurs aux commerçants (détaillants). Le marché de l’aronie aux Etats-Unis s’élève à plus de 80 millions de dollars par an, si on inclut toute la chaîne de valeur.
Dans la médecine naturelle, ces mises en avant de plantes ou produits ont surtout comme objectifs de retenir l’attention du consommateur dans un monde si concurrentiel. La difficulté pour le client réside toutefois à savoir si l’aronie n’est qu’un « effet de mode » ou une plante à inclure dans ses habitudes alimentaires et thérapeutiques futures. Creapharma fait le point pour vous.
L’aronie, de A à Z
L’aronie ou aronie à fruits noirs, qui porte le nom scientifique d’Aronia melanocarpa, est un fruit à baie avec un goût proche du cassis, originaire d’Amérique du nord. Il est consommé tel quel sous forme de fruit ou transformé en jus, sirop, confiture, gélule ou vin Les fruits sont souvent cuits ou séchés.
Les Russes sont des grands consommateurs de cette plante et l’utilisent surtout contre l’hypertension, les maux d’estomac ou les troubles du système urinaire. L’aronie est aussi très cultivé en Amérique du nord, Canada et Etats-Unis (Midwest et notamment l’Etat de l’Iowa) surtout. D’autres pays comme la Pologne et des pays de l’Est comptent aussi d’importantes cultures d’aronie. La Suisse (Canton de Vaud) et la France se sont également mis à la culture de ces petites baies.
L’aronie est riche en antioxydants et a des propriétés anti-inflammatoires et immunostimulantes. Les principales indications de ce fruit sont les troubles digestifs et notamment hépatiques, le manque d’énergie comme la fatigue ou l’excès cholestérol. Certains chercheurs supposent que l’aronie pourrait avoir un effet préventif sur le cancer et certaines maladies cardio-vasculaires comme l’infarctus du myocarde et l’AVC. Bref, une combinaison de propriétés idéales pour attirer l’attention du grand public et du consommateur.
L’aronie, nouveau remède miracle ?
Certains médias américains estiment que l’aronie est un « superfood » (super aliment). Le club des super aliments est très fermé, avec notamment le kale, une espèce de chou, les baies de goji ou le chia. Tous ces aliments ont en commun de contenir beaucoup de phyto-nutriments, c’est-à-dire des principes actifs exerçant d’importants effets préventifs ou thérapeutiques sur la santé. En général, ces aliments sont riches en antioxydants, des substances qui exerceraient un effet favorable dans la prévention du cancer et de certaines maladies cardio-vasculaires (lire ci-dessous). Les flavonoïdes et les anthocyanes sont des substances avec un fort effet antioxydant, on les retrouve d’ailleurs en quantité importante dans l’aronie.
Le Prof. Hostettmann, un grand spécialiste mondial de la phytothérapie, affirme dans son dernier livre, « Tout savoir sur les plantes anti-âge » aux Editions Favre, que l’aronie présente des propriétés très similaires à l’açaï. Mais au contraire de l’açaï qu’on doit importer de la région amazonienne et avec un bilan carbone défavorable, l’aronie pousse dans nos régions (Europe et Amérique du nord). L’aronie et l’açai sont avec les baies de goji des fruits très riches en antioxydants.
Le problème est que l’açaï, véritable plante nationale au Brésil, a aussi été victime ces dernières années de grands effets de mode notamment aux Etats-Unis. On sait que l’açaï présente des effets scientifiquement prouvés contre l’hypercholestérolémie mais son action dans la prévention du cancer fait encore l’objet de controverses parmi la communauté scientifique.
L’effet supposé des antioxydants
Le centre du problème, d’un point de vue scientifique, est l’effet supposé des antioxydants. Pour le moment, aucune étude sérieuse et à grande échelle n’a réussi à montrer l’effet préventif clair des antioxydants dans la prévention de maladies graves comme le cancer, l’AVC ou l’infarctus.
On sait que les antioxydants pourraient protéger les cellules des radicaux libres, mais sans étude clinique montrant un effet concret sur l’homme, cette constatation ne dépasse pas le stade d’une expérience en laboratoire. Aux Etats-Unis, certaines autorités fédérales comme la Federal Trade Commission ont d’ailleurs porté plainte contre certains fabricants faisant, selon eux, de la publicité mensongère avec ces produits riches en antioxydants comme le jus de grenade en affirmant que ce produit pouvait soigner le cancer notamment.
Conclusion
Il est trop tôt de parler de super aliment pour l’aronie. Certes, cette baie contient de nombreuses molécules avec des effets favorables pour la santé, mais sa réputation est comme on pouvait s’y attendre pour le moment excessive. Il est conseillé de consommer cette baie, mais il ne faut pas s’attendre à des effets miraculeux sur la santé.
Comme on l’a vu dans cet article, l’effet supposé des antioxydants nécessite d’autres études pour qu’on puisse se faire une opinion scientifiquement fondée.
En été vous pouvez aussi consommer d’autres plantes à baies excellentes pour la santé comme les mûres, les cassis ou les myrtilles, car elles ont toutes des propriétés proches de l’aronie, comme le relève le Prof. Hostettmann dans son livre.
Article mis à jour le 17 août 2017, par Xavier Gruffat (pharmacien)
Sources : « Tout savoir sur les plantes anti-âge » du Prof. Kurt Hostettmann, 2013, aux Editions Favre (Suisse), CBSnews.com, Creapharma.ch.
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