TEL AVIV / SYDNEY – Alzheimer est l’une des maladies les plus étudiées de ces dernières années. Il est vrai qu’on comptait en 2014 dans le monde 44 millions de personnes touchées par cette démence, soit presque la population de l’Espagne et que selon l’OMS ce chiffre devrait doubler tous les 20 ans. Retour sur 2 études publiées en octobre et novembre 2016 qui ont le potentiel de permettre le développement de nouveaux traitements efficaces contre la maladie d’Alzheimer.
Etude israélienne, détection précoce de la maladie
La première étude, réalisée par l’Université de Tel Aviv en Israël, a identifié un gène contribuant à la maladie d’Alzheimer. Au niveau biologique, on sait que le code contenu dans un gène formé d’ADN permet la synthèse de protéines. Dans ce cas, le gène identifié qui s’avère déficient diminue la synthèse d’un neurotransmetteur, ce qui contribue au développement de la maladie d’Alzheimer. Ce gène porte le nom de RGS2 (Regulator of Protein Signaling 2) et c’est la première fois qu’il est impliqué dans cette maladie.
Selon les chercheurs, une plus faible expression de ce gène dans les cellules des patients souffrant de la maladie d’Alzheimer augmente la sensibilité aux effets toxiques des protéines bêta-amyloïde. Celles-ci sont considérées comme une cause de la maladie.
Cette découverte devrait permettre dans le futur la mise sur le marché d’un test sanguin mais aussi de nouvelles thérapies pour arrêter le développement de la maladie.
Le travail de recherche a été réalisé sous la direction du Dr David Gurwitz de l’Université de Tel Aviv, plusieurs autres chercheurs ont participé à ce travail.
Deux marques distinctives de la maladie
“Les chercheurs qui travaillent sur la maladie d’Alzheimer ont jusqu’à présent ajusté leur recherche sur deux marques distinctives de la maladie : des dépôts de plaques de peptide amyloïde-β mal pliées et des protéines tau trouvées dans le cerveau des maladies,” explique le Dr Gurwitz. Il poursuit : “Mais des études récentes montrent que les plaques amyloïde-β sont aussi une caractéristique de cerveaux sains de personnes âgées. Cela remet en question le rôle central de ces peptides dans la pathologie de la maladie d’Alzheimer.”
D’autres gènes et leurs protéines produites sont déjà connus pour leurs implications dans la maladie d’Alzheimer, mais c’est la première fois que le gène RGS2 a été étudié dans ce contexte. Chez des personnes souffrant de cette maladie, le gène est moins exprimé ou moins actif et cela dès le début de la maladie.
Pour l’équipe du Dr Gurwitz, d’autres groupes de recherches devraient travailler sur ce gène pour confirmer leurs travaux. Cela devrait ouvrir la porte pour des tests de diagnostic et des traitements novateurs.
Cette étude a été publiée dans la revue spécialisée Translational Psychiatry, rattachée à la prestigieuse revue Nature, le 4 octobre 2016.
Autre gène, APOE4
Dans le passé, et sans lien avec ce travail de l’Université de Tel Aviv, des travaux de recherche ont montré que les personnes porteuses du gène APOE4 (apolipoprotéine E4) ont un risque entre 3 et 10 fois supérieur de développer la maladie d’Alzheimer après 60 ans. Le risque est de 10 fois supérieur chez les personnes qui ont hérité de ce gène des 2 parents, c’est-à-dire autant du père que de la mère. On estime qu’environ 25% de la population, en tout cas aux Etats-Unis, sont porteuses de ce gène.
Etude australienne
Plus au sud, une équipe de chercheurs de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud (en anglais The University of New South Wales ou UNSW) dans la région de Sydney en Australie ont publié une étude sur une protéine pouvant mener à de nouveaux traitements. Les scientifiques ont notamment mis en lumière des cellules nerveuses menant à la maladie d’Alzheimer, remettant en question certaines idées qu’on avait sur cette démence. Cette étude a été réalisée sur des souris.
Les chercheurs ont identifié une protéine appelée kinase p38y qui disparaît au moment où la maladie d’Alzheimer se développe. Quand ils ont réintroduit la protéine dans le cerveau des souris, un effet protecteur contre la maladie a été observé notamment contre les troubles de la mémoire.
Le Prof. Lars Ittner de l’UNSW qui a mené cette recherche a expliqué dans un communiqué de presse : “Cette étude a complètement changé notre compréhension sur ce qui se déroule dans le cerveau pendant le développement de la maladie d’Alzheimer.”
Remise en question partielle de la théorie classique
Comme on l’a vu dans l’étude de l’Université de Tel Aviv mentionnée au début de l’article, deux marques distinctives caractérisent la maladie d’Alzheimer : des dépôts de plaques de peptide amyloïde-β mal pliées et des protéines tau au niveau du cerveau. Ces plaques qui s’accumulent et forment des enchevêtrements sont associées à la mort cellulaire, l’atrophie cérébrale et la perte de mémoire.
Mais l’équipe de recherche australienne estime qu’une étape cruciale dans le processus qui mène à ces enchevêtrements n’a pas été bien comprise. Sans rentrer dans trop de détails techniques impliquant un mécanisme chimique appelé phosporylation, une conclusion intéressante de cette étude est que la protéine p38y qui au début jouait un rôle protecteur diminue avec le temps chez des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer. Il en résulte une perte de protection de cette protéine chez les souris malades.
En réintroduisant cette protéine chez des souris atteintes d’Alzheimer, les scientifiques ont observé des améliorations au niveau de la mémoire. Désormais des études chez l’homme devraient permettre de voir si la situation est similaire et permettre éventuellement le développement de nouveaux traitements. Rappelons qu’en 2016 il n’existe aucun traitement efficace pour lutter contre la maladie.
Cette étude australienne a été publiée le 18 novembre 2016 dans la revue américaine de grand prestige Science. Avec la britannique Nature, les 2 principales revues scientifiques mondiales.
Le 18 novembre 2016. Par Xavier Gruffat (Dipl. Pharmacien EPF Zurich). Références : communiqués de presses des études. Lien étude de Tel Aviv: http://www.nature.com/tp/journal/v6/n10/full/tp2016179a.html . Lien étude australienne : http://science.sciencemag.org/content/354/6314/904
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