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Vaccination : retour sur le vaccin Salk contre la polio

SERIE HISTOIRE DE LA MEDECINE 

« Les parents avaient notamment peurs lorsque leurs enfants se rendaient à la piscine ou au cinéma, des sources potentielles de contamination. »  

PITTSBURGH Avec l’arrivée de plusieurs vaccins contre la Covid-19 sur le marché à la fin 2020, retour sur le vaccin Salk contre la polio, tout comme la Covid-19 également une maladie virale. Ce vaccin Salk à base d’un virus mort a été une véritable percée médicale – breakthrough en anglais – dans les années 1950. Après la 2ème guerre mondiale, la poliomyélite (polio) était un fléau qui menait à la paralysie de milliers d’enfants dans le monde. Chez environ 1% des personnes infectées, la maladie provoque une paralysie douloureuse en général des jambes et s’avère souvent irréversible1. Aux Etats-Unis une importante collecte de fond a permis d’accélérer le financement de recherches. La poliomyélite touche principalement les enfants de moins de 5 ans, comme le signale l’OMS. En 2020 la polio n’est toujours par éradiquée dans le monde, la seule maladie éradiquée jusqu’à présent (qui a eu lieu à la fin des années 1970) est la variole qui était auparavant une maladie contagieuse, défigurante et souvent mortelle2.

Salk

Jonas Salk est l’inventeur de l’un des principaux vaccins efficaces contre la polio, son vaccin inactivé porte souvent le de nom de “vaccin Salk”. La commercialisation de ce vaccin a débuté en 1955 et lui a valu d’être un héros américain et international. En 2021, son vaccin était toujours utilisé notamment en France (dans le vaccin DTP par exemple).

Vaccination : 10 idées fausses à corrigerJonas Salk, de son nom complet Jonas Edward Salk, est un important scientifique du 20ème siècle, né en 1914 à New York de parents immigrants juifs venus de Russie et mort à La Jolla dans le sud de la Californie en 1995. M. Salk a commencé son travail de scientifique avec des recherches sur les vaccins contre la grippe, recherches financées par l’armée américaine. Il s’est ensuite notamment concentré dans le développement d’un vaccin contre la polio à l’Université de Pittsburgh (lire ci-dessous) et à la fin de sa vie s’est intéressé aussi au développement d’un vaccin contre le VIH.

Mieux comprendre la polio

La poliomyélite (simplement polio en français) ou paralysie infantile est une redoutable maladie d’origine virale affectant surtout les enfants. Elle est due au poliovirus (appelé aussi poliovirus sauvage) et il existe 3 sérotypes de ce virus. Les symptômes peuvent être nombreux comme de la fièvre, de la fatigue, des troubles neurologiques, etc. Mais beaucoup de personnes attrapent cette infection sans même le savoir. Les enfants peuvent dans certains cas souffrir de séquelles comme des malformations au niveau des bras ou jambes. La maladie peut aussi mener à des troubles neurologiques en affectant notamment le cerveau. Comme on l’a vu au début de l’article chez environ 1% des personnes infectées, la maladie provoque une paralysie douloureuse et souvent irréversible. Selon l’OMS, une infection sur 200 entraîne une paralysie irréversible, notamment au niveau des jambes3. Avant l’apparition du vaccin, il était fréquent de coucher un enfant en pleine forme le soir et de le retrouver paralysé à vie le lendemain, selon le site suisse Infovac. Si le virus de la polio attaque le cerveau, le centre de contrôle des voies respiratoires et de la circulation sanguine, la maladie évolue vers la mort dans 2 à 6 cas sur 10, toujours selon le site Infovac. Entre 5 et 10% des malades paralysés décèdent lorsque leurs muscles respiratoires cessent de fonctionner, selon l’OMS. Aux Etats-Unis en tout cas, les épidémies de polio survenaient principalement l’été. La polio est très contagieuse. La transmission s’effectue notamment par des fèces infectées par le virus en suivant une voie digestive oro-fécale.

Enfants, moins les adultes

La polio touche principalement les enfants, car les adultes sont ou étaient (avant l’arrivée du vaccin) souvent immunisés contre la maladie. Il est possible de développer la maladie avec des symptômes légers, qu’on peut confondre avec un refroidissement ou rhume pendant l’enfance. De ce fait, à l’âge adulte beaucoup de personnes étaient immunisées.
Selon l’OMS, le taux de létalité parmi les cas de paralysie se situe entre 2% et 20%.

Angoisse des parents

Avant l’arrivée du vaccin dans les années 1950, la population était très angoissée à propos de la polio. Les épidémies de polio, survenant souvent l’été, pouvaient frapper n’importe quelle ville (village) et toucher de nombreux enfants. Les parents avaient notamment peurs lorsque leurs enfants se rendaient à la piscine ou au cinéma, des sources potentielles de contamination.

Succès énorme – Plus grande expérience médicale au monde ?

Le 12 avril 1955, une conférence de presse très médiatisée annonçait aux Etats-Unis et au monde entier que M. Salk avait réussi à créer avec succès un vaccin contre la polio. En plus d’être efficace chez 80 à 90% des enfants, le vaccin était également sûr. La majorité des enfants fabriquaient des anticorps capables de lutter contre le virus de la polio. Pour arriver à ces conclusions, M. Salk (et son équipe) a effectué un essai sur le terrain en double aveugle incluant 1,8 millions d’enfants âgés de 5 à 8 ans qui ont reçu soit le vaccin développé par M. Salk soit un placebo. On estime qu’il s’agit de la plus grande expérience médicale, à cause du nombre énorme de patients, jamais réalisée dans le monde. Pour le moment et selon nos informations, les essais cliniques des vaccins contre la Covid-19 n’ont jamais pris en compte plus d’un million de personnes, en général plutôt quelques dizaines de milliers.
Quelques jours après cette annonce, des fabricants américains ont commencé à produire et commercialiser ce vaccin. Le but était de répondre à la demande dans le cadre du Poliomyelitis Vaccination Assistance Act. M. Salk n’a pas breveté son vaccin, le faisant entrer toujours plus dans le monde des héros de la science globale, comme le relève un reportage de la TV de qualité Smithsonian Channel.

Star globale

Lorsque que le vaccin contre la polio de M. Salk a été mis sur le marché au milieu des années 1950 aux Etats-Unis, il a connu une très forte médiatisation que cela soit dans les TV ou dans la presse écrite faisant par exemple la une du Times. Il a été considéré par la population comme un véritable héros autant aux Etats-Unis que dans le reste du monde.
Dans une émission de la radio américaine NPR qui lui a été consacrée en juin 2016, la Prof. Charlotte DeCroes Jacobs de l’Université de Stanford en Californie qui a écrit un livre sur la vie de Jonas Salk (lire référence en bas de l’article) relevait qu’il avait reçu au moins 10’000 lettres à son Université après l’annonce de l’efficacité du vaccin Salk. Sa première idée était de répondre à chacune des lettres, mais il a dû finalement seulement écrire aux personnes qu’il connaissait, notamment de la communauté scientifique. Les lettres de félicitation provenaient de nombreux clubs (ex. club de sport, de piscine, etc.) à travers tous les Etats-Unis. La polio qui était un véritable cauchemar pour les piscines et de nombreux autres clubs sportifs pouvait devenir qu’un mauvais souvenir avec ce nouveau vaccin.
La Prof. DeCroes Jacobs estime qu’il a été accueilli par la société américaine comme un véritable héros, un héros de guerre.

Jonas Salk, une forte personnalité et aussi un mal-aimé

Au début des années 1950, Jonas Salk qui croyait à un vaccin contre la polio avec un virus inactivé, a été critiqué par la communauté scientifique. Selon plusieurs scientifiques réputés de l’époque, la méthode de Jonas Salk était jugée inefficace. C’est pourquoi il a mené une partie de ces recherches en secret. L’avenir lui a donné raison vu, car son vaccin basé sur une souche inactive (morte) du virus s’est montré efficace.

Un autre aspect qui lui a valu des critiques de la part de la communauté scientifique dans les années 1950 est qu’il n’a pas publié les résultats de son essai en double aveugle dans un journal scientifique de référence. A la place, il a directement communiqué à la presse les résultats positifs de son essai sur le terrain. La structure de la publication des résultats de son travail n’était pas non plus présentée d’une façon académique. Sa célébrité lui a aussi valu probablement de nombreuses jalousies de la communauté scientifique.

Vaccin Salk

Le vaccin Salk se présente sous une forme injectable. Il s’agit d’un vaccin contenant un virus mort, on parle aussi de virus inactivé. Les virus sont tués par la formaldéhyde, comme l’explique l’OMS. Le vaccin Salk porte aussi le nom de vaccin antipoliomyélitique inactivé (VPI). Il faut aussi savoir que ce vaccin contient des virus tués provenant des 3 souches du virus de la polio. Son action est soutenue par un sel d’aluminium4.

Vaccin Sabin (vaccin par voie orale)

Un autre vaccin contre la polio est le vaccin Sabin, inventé par Albert Sabin plus ou moins à la même époque que le vaccin Salk, c’est-à-dire dans les années 1950. Il s’agit d’un vaccin créé à partir du virus vivant affaibli. L’avantage est qu’il peut se prendre par voie orale et non injectable comme le vaccin Salk. Comme le vaccin est vivant, on estime qu’il peut causer la polio dans 1 à 3 cas sur un million de vaccination. Le vaccin Sabin porte aussi le nom de vaccin antipoliomyélitique oral (VPO), il était monovalent puis trivalent. Il existait une forte rivalité aux Etats-Unis entre MM Salk et Sabin, selon un reportage diffusé dans les années 2010 sur la chaîne Smithsonian Channel.

OMS et vaccination

Selon l’OMS, tous les enfants du monde doivent être vaccinés contre la poliomyélite et chaque pays doit chercher à maintenir des niveaux de couverture élevés par le vaccin antipoliomyélitique.
De nombreux pays ont adopté des calendriers séquentiels consistant en 1 à 2 doses de VPI (Salk) suivies de ≥2 doses de VPO (Sabin).

La polio en 2018-2020 – Diminution de plus de 99%

Selon un article du site de l’OMS (lien fonctionnait le 1er juin 2020) datant du 29 mars 2018, la polio subsiste de nos jours, bien que le nombre de cas ait diminué de plus de 99% depuis 1988, passant de plus de 350’000 cas par an selon les estimations à 22 cas notifiés en 2017. Cette réduction est le résultat d’un effort mondial pour éradiquer la maladie et seuls 3 pays ne sont pas parvenus à ce jour à interrompre la transmission : l’Afghanistan, le Nigéria et le Pakistan.

En savoir plus : dossier complet de l’OMS sur la poliomyélite (dossier mis à jour le 22 juillet 2019 par l’OMS, le lien fonctionnait le 2 janvier 2021, date de mise à jour de cet article sur Creapharma.ch)

Dossier mis à jour le 2 janvier 2021. Par Xavier Gruffat (Pharmacien Dipl. EPFZ, Dipl. MBA).
Sources principales : NPR (radio publique américaine, émission Tech Nation de juin 2016, en référence au livre “Jonas Salk: A Life” de la Prof. de l’Université de Stanford Charlotte DeCroes Jacobs), Wikipedia.org, Radio-canada.ca, OMS, Smithsonian Channel, Infovac.ch.

Références scientifiques et bibliographie :

  1. Site suisse sur la vaccination Infovac, consulté le 1er juin 2020
  2. Mayo Clinic et autres sources, suite à une recherche Google le 1er juin 2020
  3. Article sur la polio de l’OMS, mis à jour le 22 juillet 2019, lien fonctionnait le 1er juin 2020
  4. Site suisse sur la vaccination Infovac, consulté le 1er juin 2020
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Informations sur la rédaction de cet article et la date de la dernière modification: 02.01.2021
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