Alcoolisme (alcoolodépendance)
Dernière révision : 13.01.2024
Auteur : Xavier Gruffat, pharmacien
Définition
L’alcoolisme, aussi appelé alcoolodépendance, alcoolo-dépendance ou dépendance à l’alcool (en anglais : alcohol-use disorder), est comme son nom l’indique une addiction à l’alcool, plus précisément à l’éthanol qu’on retrouve dans les boissons alcoolisées. Il s’agit d’un modèle ou d’une habitude de consommation malsaine d’alcool, avec notamment une l’incapacité à contrôler la quantité d’alcool que l’on boit1. La personne peut présenter des symptômes de sevrage si elle arrête de boire.
Forme aiguë et chronique
L’alcoolisme est un problème mondial.
L’OMS définit 2 formes d’alcoolisme : l’alcoolisme aigu et l’alcoolisme chronique.
Binge drinking
Dans l’alcoolisme aigu, la personne va consommer une quantité très importante d’alcool sur une courte durée. On parle aussi de “binge drinking” ou en français de biture express. Dans cette forme d’alcoolisme, la personne ne comporte la plupart du temps pas de phénomène de dépendance.
Alcoolisme chronique
Dans l’alcoolisme chronique, la personne présente une dépendance à l’alcool sur une période prolongée. Autrement dit, elle ne peut plus se passer d’alcool sans souffrir de troubles physiques et mentaux.
Alcoolémie
On mesure l’alcoolémie, c’est-à-dire le taux d’alcool dans le sang. Plus on ingère d’alcool et plus l’alcoolémie augmente.
En général, à moins de 0,5 pour mille les effets sur l’organisme sont plutôt légers mais peuvent néanmoins diminuer les capacités visuelles, ce qui peut compliquer par exemple la conduite automobile. De 1,0 à 1,2 pour mille, il s’agit déjà d’ivresse. De 3,0 à 5,0 pour mille, la personne peut se retrouver dans le coma.
Epidémiologie de l’alcoolisme
– En France, l’alcoolisme ferait 49’000 morts par année, selon des estimations citées par Le Figaro le 3 septembre 2016.
– Aux Etats-Unis, l’alcoolisme provoque directement en moyenne 88’000 morts par an à cause de complications comme la pancréatite ou la cirrhose, selon le magazine sur la santé Prevention qui mentionnait ce chiffre en mai 2018. En 2023, environ 30 millions d’Américains souffrent d’une dépendance à l’alcool (en anglais : alcohol-use-disorder)2.
– En Suisse, une étude de 2010 de l’European Addiction Research estimait qu’environ 250’000 Suisses souffriraient d’une dépendance à l’alcool, cela représente environ 3,9% de la population âgée de plus de 15 ans.
– Dans le monde, l’alcoolisme serait d’une certaine manière à l’origine de presque 6% des cas de décès, selon l’OMS.
Le magazine brésilien Veja parlait en juillet 2020 de 3,3 millions de morts par année provoqué par l’alcoolisme.
Différences entre hommes et femmes
– Comme les femmes ont en moyenne plus de graisse corporelle que les hommes et que la graisse contient peu d’eau, l’alcool se dilue moins dans les liquides de la femme que de l’homme. Par conséquent, la concentration d’alcool augmente plus rapidement chez la femme que l’homme. Le volume total du sang est aussi en général plus bas chez la femme que chez l’homme. De plus, les femmes ont un niveau plus bas de l’enzyme dehydrogénase, responsable de la dégradation (métabolisme) de l’alcool. Ainsi, la concentration d’alcool dans le sang des femmes est plus élevé que chez l’homme. Pour toutes ces raisons, les femmes devraient boire une quantité d’alcool inférieure aux hommes.
– Cela dit, les hommes sont plus nombreux à souffrir d’alcoolodépendance que les femmes.
Causes
On ne connaît pas de cause spécifique aux troubles liés à l’utilisation abusive de l’alcool. L’alcool affecte chaque personne de manière différente. La génétique, la biologie et les facteurs sociaux peuvent tous jouer un rôle1.
Symptômes
Des signes et symptômes de l’alcoolisme peuvent varier d’une personne à l’autre, on peut noter les aspects suivants :
– Vouloir réduire sa consommation d’alcool mais sans y arriver ;
– Avoir de fortes envies d’alcool ;
– Boire souvent 2 verres ou plus chaque jour (lire aussi sous Définition ci-dessus) ;
– Cacher l’alcool à différents endroits de la maison ;
– Ne pas remplir ses obligations au travail, à l’école ou à la maison à cause de l’usage d’alcool ;
– Boire lorsqu’il n’est pas prudent de le faire, par exemple en conduisant ;
– Boire pour se sentir bien ou se sentir mieux ;
– Avoir besoin de plus en plus d’alcool pour en ressentir les effets ;
– Nausées, sueurs et tremblements lorsque la personne ne boit pas1.
Effets négatifs de l’alcoolisme à moyen et long terme :
Une consommation chronique d’alcool peut mener à différents problèmes pour l’organisme comme :
– Cancer. En particulier le cancer du foie, du pancréas, de la bouche, langue, oesophage, estomac, etc.
– Maladies du foie comme la cirrhose.
– Pancréatite.
– Hypertension.
– Maladies du système nerveux comme la neuropathie alcoolique.
– Maladies psychiatriques : dépression nerveuse, anxiété, etc.
– Certaines études ont montré que l’alcool pourrait augmenter le risque de souffrir de fibrillation auriculaire.
On estime qu’environ 400 maladies sont associées à une consommation exagéré d’alcool.
Etude publiée en 2018 dans The Lancet sur les risques de l’alcool :
Même une faible consommation d’alcool présente des risques pour la santé, selon une étude publiée le 23 août 2018 dans le journal scientifique The Lancet (DOI : 10.1016/S0140-6736(18)31310-2) sur la consommation mondiale de boissons alcoolisées et le lien avec 23 maladies. Cette vaste étude a été réalisée par des chercheurs de l’Université de Washington à Seattle et a pris en compte 694 études sur la consommation d’alcool et 592 études sur les risques sanitaires liés à sa consommation. Les données couvrent la population âgée de 15 à 95 ans dans 195 pays.
Les scientifiques ont noté que dans le groupe des plus de 50 ans, le cancer a la plus forte proportion de causes de décès liées à l’alcool. Il existe des différences significatives entre les sexes : tous groupes d’âge confondus, 2,2 % des décès de femmes et 6,8 % des décès d’hommes peuvent être attribués à la consommation d’alcool. Cela représente 2,8 millions de décès par an dans le monde associés à la consommation d’alcool. Cette étude estime que les méfaits de l’alcool en provoquant notamment des cancers l’emportent largement sur les effets bénéfiques potentiels par exemple dans la prévention du diabète ou de l’Alzheimer.
Traitements
Admettre que la consommation d’alcool est un problème est la première étape du traitement des troubles liés à l’usage de l’alcool1. On dispose notamment de médicaments (lire ci-dessous), leur efficacité reste plutôt controversée.
Désintoxication
Une étape importante consiste à arrêter la consommation et à désintoxiquer la personne touchée en toute sécurité. Cela prend environ 2 à 7 jours. Pour certaines personnes, la désintoxication a lieu dans un hôpital ou un centre de traitement résidentiel.
Médicaments
Certains médicaments sont utilisés contre l’alcoolisme comme le natrexone, le nalméfène, l’acamprosate, le baclofène (lire ci-dessous) ou le topiramate. Néanmoins, une méta-analyse ou revue d’études publiée le 20 septembre 2017 dans le journal scientifique Addiction (DOI : 10.1111/add.13974) n’a trouvé aucune preuve fiable de l’efficacité de ces médicaments. Au mieux, certains de ces médicaments montrent une efficacité légère ou moyenne pour lutter contre l’alcoolisme, mais ces résultats favorables proviennent d’études avec un risque élevé de biais (ex. erreurs dans la méthodologie ou analyse des résultats). Cette méta-analyse a pris en compte 32 études en double aveugle randomisée publiées entre 1994 et 2015 incluant 6’036 patients. L’auteur de cette revue d’étude, le Dr Palpacuer de l’Inserm à Rennes en France, n’estime pas dans un communiqué de l’étude que ces traitements sont inefficaces mais il note qu’on ne sait pas encore si ces médicaments sont efficaces. Autrement dit, il manque des études sérieuses concernant l’efficacité de ces médicaments pour lutter contre l’alcoolisme.
Toutefois, en 2023 la revue anglaise The Economist (édition du 16 septembre 2023) estimait dans un article en citant plusieurs médecins que les médicaments sont efficaces pour lutter contre la dépendance à l’alcool. Ils contribuent à réduire les envies d’alcool et à rendre le sevrage plus facile à gérer. Le problème est qu’aux Etats-Unis en 2023 seulement moins de 2% des personnes ayant un problème avec l’alcool prennent des médicaments.
Baclofène
– Le baclofène agit dans le cerveau sur les neurotransmetteurs appelés GABA, ils sont notamment impliqués dans le contrôle de l’anxiété. On sait que l’alcool agit sur les neurotransmetteurs GABA et mène à une relaxation de la personne qui en consomme.
– Deux études françaises présentées lors du Congrès mondial d’Alcoologie qui s’est tenu début septembre 2016 à Berlin (Allemagne) ont montré une certaine efficacité du baclofène dans la lutte contre l’alcoolisme, en comparaison notamment avec un placebo. En Suisse, il faut savoir qu’en 2016 le baclofène (Lioresal®) n’était pas indiqué officiellement pour soigner des problèmes liés à l’alcool (en anglais on parle d’indication off-label du baclofène lors de dépendance à l’alcool).
– En France, en octobre 2018 le baclofène a reçu une autorisation de mise sur le marché de la part de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Comme l’informe le communiqué de l’agence, l’ANSM a décidé d’octroyer l’AMM à la spécialité Baclocur® (baclofène) 10 mg, 20 mg et 40 mg dans l’alcoolo-dépendance, en raison de l’intérêt pour la prise en charge des patients en échec thérapeutique et donc d’un bénéfice pour la santé publique, en prévoyant un suivi renforcé dès sa commercialisation.
– En juillet 2020, suite à une procédure judiciaire qui a eu lieu en juin 2020, le Baclocur® n’était toujours pas disponible en France dans son indication contre l’alcoolo-dépendance. La justice française reproche au Baclocur®, qui aurait du être vendu aux dosages de 10, 20, 30 et 40 mg, un risque trop important d’effets secondaires avec un taux de mortalité augmenté en comparaison avec d’autres médicaments contre l’alcoolisme.
– Le Dr Olivier Ameisen, décédé en 2013, qui souffrait d’alcoolisme a découvert par hasard l’effet du baclofène dans la lutte contre la dépendance à l’alcool. Le cardiologue français souffrait de spasmes musculaires et prenait pour se soigner du baclofène à un dosage de 5 mg par jour. Il a commencé à remarquer qu’il avait moins envie de boire de l’alcool. Il a progressivement augmenté la dose de baclofène pour arriver à 270 mg par jour. En 2020, on estime la dose moyenne efficace du baclofène contre la dépendance à l’alcool aux alentours de 180 mg par jour.
Disulfirame – Antabus®
En Suisse et dans d’autres pays du monde (ex. Etats-Unis), l’Antabus® (disulfirame) est parfois prescrit par les médecins chez des personnes dépendantes à l’alcool. Si une personne boit de l’alcool et prend de l’Antabus®, elle va ressentir des effets secondaires très désagréables appelés flush incluant notamment un érythème cutané au niveau du visage, des bouffées de chaleur, des nausées et vomissement, etc. Par conséquence, ce médicament agit avec un effet dissuasif. L’Antabus® a été approuvé par la FDA américaine en 1951.
Autres médicaments parfois utilisés pour lutter contre la dépendance à l’alcool, notamment après un sevrage :
– Le Campral® (acamprosate), il s’agit d’un psychotrope. Le but de ce médicament est notamment de maintenir l’abstinence après un sevrage.
– Le Naltrexin® (naltrexone, appelé Vivitrol aux Etats-Unis). Ce médicament doit notamment aider à maintenir l’abstinence après un sevrage. Il peut aussi être utilisé en cas de dépendance aux opiacés. Il a été enregistré par la FDA américaine en 1984.
– Le Selincro® (nalméfène). Il s’agit d’un modulateur de différents récepteurs opioïdes. Ce médicament pourrait aider lors de dépendance à l’alcool et pas après un sevrage.
– Le topiramate. Ce médicament indiqué surtout contre la migraine et l’épilepsie est souvent utilisé off-label (hors indication officielle) pour les problèmes d’alcool.
– Le sémaglutide. Des études préliminaires (état en 2023) ont montré que le sémaglutide, médicament indiqué contre le diabète et l’obésité, pourrait aussi agir contre la dépendance à l’alcool.
Consommation d’alcool chez les seniors – Binge drinking
Le binge drinking est en augmentation chez les personnes âgées aux Etats-Unis, selon une nouvelle étude. Le binge drinking ou biture express se définit par cinq consommations ou plus à la fois pour les hommes et quatre consommations ou plus à la fois pour les femmes. Cette étude estime que plus d’un Américain âgé sur dix (10,6%), en majorité des hommes, a une consommation d’alcool de type binge drinking. Ce chiffre est en augmentation par rapport à la décennie précédente (de 7 à 9%). Les chercheurs affirment que cette habitude de consommation d’alcool peut être plus dangereuse pour les personnes âgées, les exposant ainsi à une série de problèmes de santé. Les personnes âgées sont notamment plus sensibles aux effets de l’alcool, ce qui peut mener en particulier à des chutes. De plus, les interactions entre les médicaments et l’alcool peuvent être problématiques pour la santé. Une femme médecin interrogée par le média généraliste CBSNews pour commenter cette étude estimait qu’aucun Américain âgé de plus de 65 ans ne devrait boire plus de 3 consommations d’alcool par jour. Cette étude a été publiée le 31 juillet 2019 dans le Journal of the American Geriatrics Society (DOI : 10.1111/jgs.16071).
Thérapie
Suivre un groupe de soutien comme Alcoolique Anonyme peut aider à lutter contre les troubles liés à l’alcool.
Questions fréquentes sur l’alcoolisme
A partir de quelle quantité d’alcool une personne est dépendante à l’alcool (alcoolique) ?
Chez l’homme :
Un homme est considéré comme alcoolique ou dépendant à l’alcool en cas de consommation quotidienne de plus de 2 volumes d’alcool.
Un volume d’alcool se trouve par exemple dans une bière (environ 5% d’alcool) d’environ 300 ml, un verre de vin rouge (environ 12 à 14%) d’environ 120 ml ou un verre d’alcool fort comme la vodka (environ 40%).
Chez la femme :
Une femme est considérée comme alcoolique ou dépendante à l’alcool en cas de consommation quotidienne de plus d’1 volume d’alcool.
Un volume d’alcool se trouve par exemple dans une bière d’environ 300 ml, un verre de vin rouge d’environ 120 ml ou un verre d’alcool fort comme la vodka.
Est-ce préférable de consommer de la bière au lieu d’alcool fort ?
Ce qui compte n’est pas le type de boisson alcoolisée mais la quantité totale d’éthanol consommé. Autrement dit, une personne peut ingérer moins d’alcool en buvant un petit verre de vodka qu’une personne buvant 10 bières. Dans ce dernier cas, la personne sera beaucoup plus alcoolisée.
Existe-t-il un risque pour la femme enceinte ?
Oui, un risque élevé de malformation de l’enfant à naître notamment. Une règle simple, si vous êtes enceinte ou prévoyez d’être enceinte, ne BUVEZ PAS D’ALCOOL du tout, rien, nada.
Peut-on prévoir si une personne va devenir alcoolique ou non ?
Il s’agit d’une question difficile à répondre. Selon nos informations, en 2023 la médecine est incapable de répondre avec précision à cette question.
Des expériences ont notamment cherché à comprendre pourquoi 2 jumeaux, avec un patrimoine génétique identique, pouvaient suivre un chemin différent. Par exemple un jumeaux devenant alcoolique et l’autre pas.
La génétique semble avoir une certaine difficulté à expliquer l’alcoolisme. Cela dit, une étude publiée dans le journal Science (DOI : 10.1126/science.aao1157) en juin 2018 et réalisée sur des rats a montré une influence des gènes pour une prédisposition à l’alcoolisme. Les chercheurs ont mis au point une méthode par laquelle les rats apprenaient à obtenir une solution d’alcool en appuyant sur un levier. Afin de mieux saisir comment la dépendance incitait l’animal à choisir l’alcool plutôt que d’autres récompenses, les chercheurs ont offert aux rats une solution de rechange à l’alcool – de l’eau sucrée. Lorsque les animaux ont pu choisir entre l’alcool et l’eau sucrée, la majorité a cessé de faire un effort pour obtenir de l’alcool, et a choisi la solution sucrée à la place. Mais 15% des rats ont continué à choisir l’alcool, même lorsqu’ils pouvaient obtenir une autre récompense. Cette proportion est semblable au pourcentage d’humains ayant une dépendance à l’alcool. Pour étudier le mécanisme derrière les comportements de dépendance chez les rats, les chercheurs ont mesuré l’expression de centaines de gènes dans cinq régions du cerveau. Les différences les plus grandes qu’ils ont trouvées étaient dans l’amygdale, zone importante pour les réactions émotionnelles. Chez les rats qui ont choisi l’alcool plutôt que l’eau sucrée, un gène en particulier a été exprimé à des niveaux beaucoup plus bas.
Ce que les scientifique savent aussi et que plus un jeune commence tôt à boire de l’alcool et plus le risque d’alcoolisme est élevé.
Quel pourcentage de personnes deviennent alcoolique ?
Lorsque des personnes boivent régulièrement de l’alcool, environ 15% deviennent dépendants.
Ressources et pour aller plus loin :
Découvrez un site suisse pour vous aider à lutter contre l’alcoolisme. Stop Alcool
News sur l’alcool
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