BOSTON – Même s’il est encore trop tôt pour l’affirmer avec certitude, plusieurs études publiées ces dernières années sur la maladie d’Alzheimer vont dans le sens d’une éventuelle origine infectieuse de cette démence très fréquente. Une récente étude américaine de l’Université d’Harvard vient d’amener une nouvelle preuve que la protéine bêta-amyloïde, qui s’accumule sous forme de plaques bêta-amyloïdes dans le cerveau des patients atteints d’Alzheimer, est un élément inné de notre système immunitaire contre les infections. Selon les chercheurs de Boston, la production de la protéine bêta-amyloïde présentait un effet protecteur contre des agents infectieux potentiellement mortels chez des souris, des ascaris (parasites) et des cellules humaines de culture.
Autrement dit, ces protéines ou plaques seraient plutôt les signes ou conséquences d’une infection au niveau du cerveau et non la cause proprement dite ou directe d’Alzheimer, comme parfois supposée. Ce travail de recherche pourrait aider au développement de nouveaux médicaments contre Alzheimer.
Alzheimer, maladie complexe
La maladie d’Alzheimer touche principalement les personnes âgées. Elle conduit à une détérioration des capacités cognitives et entraîne progressivement une perte d’autonomie. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 45 millions de personnes souffriraient de démences dans le monde, dont 60% à 70% de la maladie d’Alzheimer.
La plupart des experts s’accordent à dire actuellement qu’il s’agit d’une maladie complexe et qu’il faut généralement “une conjonction” de facteurs pour qu’un individu développe les lésions spécifiques que sont le développement de plaques amyloïdes et l’accumulation de protéines Tau anormales à l’intérieur des neurones.
Etude américaine, comme une mouche prise au piège dans une toile d’araignée
Dans cette nouvelle étude, les chercheurs d’Harvard proposent grâce à leur recherche une théorie plutôt provocatrice et révolutionnaire comme cause possible de la maladie d’Alzheimer. Pour résumer, un agent infectieux comme un virus, une bactérie ou un champignon (voir en bas de l’article concernant une étude espagnole de 2015) traverse la barrière hémato-encéphalique et pénètre dans le cerveau, il faut savoir qu’avec l’âge cette barrière devient plus poreuse. Pour se protéger, le système immunitaire au niveau du cerveau stoppe l’agent infectieux envahisseur en construisant comme une cage autour du microbe à base de protéines formant des plaques amyloïdes. Le microbe est comme une mouche prise au piège dans une toile d’araignée et finit par mourir. Ensuite, le problème n’est plus le microbe mais cette “cage” ou plaque qui se forme puis reste dans le cerveau et affecte les fonctions cognitives.
Selon le Prof. Robert Moir de l’Université d’Harvard qui a participé à cette étude, les différentes théories sur la maladie d’Alzheimer développées pendant ces 30 dernières années, voire plus, sont incomplètes. En 2010, le Prof. Moir et le Prof. Tanzi, également d’Harvard, avaient montré que la protéine bêta-amyloïde avait des qualités proche d’un antibactérien.
Cerveau des souris pleines de bactéries
Cette étude est la première à investiguer l’action antibiotique de la protéine bêta-amyloïde humaine sur des modèles vivants. Les scientifiques ont effectué 3 expériences. Dans la première, les chercheurs ont observé que des souris transgéniques produisant la protéine bêta-amyloïde humaine survivaient significativement plus longtemps après injection de bactéries Salmonelle dans leurs cerveaux que les souris qui n’avaient pas de modification génétique. Selon le Prof. Tanzi “Du jour au lendemain après injection des bactéries, le cerveau des souris au niveau de l’hippocampe était rempli de plaques, et chaque plaque avait une seule bactérie au centre.” Dans l’expérience sur les ascaris, les scientifiques ont également observé que la protéine bêta-amyloïde protégeait aussi contre des infections à Candida (mycose) ou Salmonella (bactérie). Dans la 3ème expérience, les chercheurs ont montré l’effet protecteur de la protéine bêta-amyloïde contre des agents infectieux dans une culture de cellules neuronales humaines.
Cette étude suggère qu’au lieu de chercher à détruire complètement les plaques ou les protéines bêta-amyloïde comme c’est le cas actuellement avec certains traitements, il serait peut-être préférable de les conserver au moins en partie ou momentanément, comme elles permettent d’agir comme un antibiotique naturel.
Futurs recherches sur des patients
Les scientifiques d’Harvard reconnaissent que le chemin sera encore long pour mieux comprendre les causes exactes de la maladie d’Alzheimer. Une prochaine étape devrait consister à effectuer des tests non plus en laboratoire mais directement sur des personnes souffrant d’Alzheimer. Selon le Prof. Tanzi qui conclut le communiqué de presse de cette étude : “Si on arrive identifier les coupables – par exemple les bactéries, virus ou mycose – nous pourrons être capable de les cibler de façon thérapeutique en prévention primaire de la maladie.” Autrement dit, l’avenir de la recherche contre Alzheimer pourrait passer par exemple vers le développement d’anti-infectieux ou antibiotiques agissant spécifiquement sur les microbes avant l’entrée dans le cerveau.
Cette étude a été publiée dans la revue spécialisée Science Translational Medicine le 25 mai 2016.
Précédente étude espagnole
En 2015, une étude espagnole publiée dans la revue scientifique Scientific Reports (groupe Nature) avait relevé que des infections provoquées par des champignons microscopiques pourraient être impliquées dans la maladie d’Alzheimer. Au moment de la publication de l’étude, les scientifiques avaient écrit : “Il n’existe pas de preuve concluante, mais si la réponse était oui, Alzheimer pourrait être ciblée par des traitements antifongiques. Collectivement, nos travaux fournissent des preuves irréfutables de la présence de mycoses dans le système nerveux central de malades atteints d’Alzheimer”.
A retenir de cet article:
– Les protéines bêta-amyloïde ou plaques pourraient être les signes ou conséquences d’une infection au niveau du cerveau et non la cause directe de la maladie d’Alzheimer, comme parfois supposée. Ces protéines bêta-amyloïde agiraient comme un antibiotique naturel lors d’entrée dans le cerveau des microbes.
– D’autres études sont encore nécessaires, mais une thérapie possible et future de la maladie d’Alzheimer pourrait consister par exemple à limiter l’entrée d’agents infectieux dans le cerveau.
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Le 31 mai 2016. Par Xavier Gruffat (pharmacien dipl. EPFZ / dipl. MBA). Sources: communiqué de presse de l’étude, The New York Times, ATS (concernant l’étude espagnole mentionnée en bas de l’article). Photos: Fotolia.com
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