Vitamine D et sclérose en plaques, la polémique du Brésil

Lien entre faible niveau de vitamine D et sclérose en plaquesSAO PAULOEn pleine Coupe du Monde, le Brésil n’est pas seulement le centre du monde de la planète (football) mais est aussi le lieu d’affrontements entre scientifiques concernant l’utilisation à très haute dose de vitamine D pour soigner la sclérose en plaques. Cette maladie touche environ 2,5 millions de personnes à travers le monde et affecte notamment les jeunes adultes. En 2014, il n’existe toujours pas de traitements permettant de guérir de la maladie.

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Ces dernières années, les grands médias brésiliens comme TV Globo et Folha de S.Paulo ont publié plusieurs reportages et articles sur l’utilisation à des doses très élevées de vitamine D (de l’ordre de 10’000 UI par jour, voire plus). C’est un neurologue brésilien, le Dr Cícero Coimbra, qui revendique un protocole de traitement utilisé en clinique depuis 2002 basé sur de très hautes doses de vitamine D chez des patients atteints de sclérose en plaques. Le Dr Coimbra est un scientifique de l’une des universités les plus réputées du Brésil, l’université Unifesp dans l’État de Sao Paulo. La dose de vitamine D dans le schéma de traitement du Dr Coimbra est variable pour chaque patient, autrement dit elle est individualisée, ce protocole brésilien repose aussi sur une restriction de la consommation de produits laitiers (pour limiter un excès de calcium et donc un risque d’intoxication, la vitamine D favorise l’absorption de calcium) et une importante hydratation. Pour le Dr Coimbra, l’utilisation de haute dose de vitamine D provoque une rémission de la maladie, autrement dit la sclérose en plaques reste “éteinte” et n’évolue plus pour la majorité de ses patients.

Le plus tôt possible

Sclérose en plaques NewsIl est important d’instaurer une thérapie à haute dose de vitamine D dès l’apparition des symptômes de la sclérose en plaques, selon le médecin brésilien interrogé en 2013 par la TV Globo. C’est-à-dire que l’efficacité de la vitamine D est supérieure si le patient en consomme par exemple quelques mois après les premiers symptômes plutôt que 15 ans après l’apparition de la maladie.

D’autres médecins recommandent l’utilisation de haute dose de vitamine D comme on le verra dans cet article, mais selon nos informations, cette thérapie n’est pas courante à travers le monde pour soigner la sclérose en plaques.

Polémiques

Selon le journal Folha de S.Paulo, le protocole du Dr Coimbra a déjà été utilisé sur environ 3’000 patients. Toujours dans ce journal, considéré comme le plus influent du Brésil, plusieurs scientifiques s’affrontent ces dernières semaines par des articles ou dans le courrier des lecteurs. Pour l’académie brésilienne de neurologie (Academia Brasileira de Neurologia) qui réagit sur ce traitement par un communiqué: “Il n’existe pas de preuves scientifiques sur l’utilisation en monothérapie de vitamine D dans le traitement de la sclérose en plaques.” Selon cette société savante, il y a un manque d’études randomisées, contrôlées et en double-aveugle (le médecin et le patient ne savent pas de quel médicament il s’agit) sur l’utilisation de la vitamine D contre la sclérose en plaques. Mais pour le Dr Coimbra, donner des placebos à ses patients pour réaliser de telles études serait inacceptable, c’est-à-dire qu’il est tellement convaincu de l’efficacité de la vitamine D, qu’il ne veut surtout pas leur enlever ce remède “miracle”.

La méfiance des sociétés savantes et de beaucoup de médecins viendrait selon le Dr Coimbra des pressions de l’industrie pharmaceutique. C’est un fait que le marché mondial des médicaments contre la sclérose en plaques s’élève clairement à plus d’un milliard de dollars. Sachant que la vitamine D est un médicament sans brevet vendu à des prix très bas, c’est un argument à prendre en compte. Mis à part des institutions publiques ou des universités, il est peu probable qu’un laboratoire pharmaceutique finance une étude à grande échelle pour prouver ou non l’efficacité de la vitamine D contre cette maladie neurologique. Il faudra donc probablement attendre encore quelques années avant d’y voir plus clair.

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Point de vue américain

Le Prof. Michael F. Holick de l’Université de Boston aux États-Unis, un grand spécialiste de la vitamine D, écrit dans son livre et best-seller au titre original “The Vitamin D Solution” : “Mes patients souffrant de sclérose en plaques présentent souvent un manque de vitamine D. Comme le manque de vitamine D provoque une faiblesse musculaire, j’ai observé que la correction de cette carence améliore significativement la fonction musculaire en général”. Toujours dans son livre paru en 2010, le Prof. Holick a observé que certains patients souffrant de sclérose en plaques recevant une dose de 50’000 UI de vitamine D une fois par semaine pendant 8 semaines, puis cette même dose chaque 2 semaines ont pu rester en rémission. Ce spécialiste recommande donc toujours de traiter toute carence en vitamine D, surtout chez des personnes souffrant de sclérose en plaques. Autre point important relevé par ce professeur au sujet de cette molécule, le terme vitamine est impropre, il s’agit selon lui d’une hormone.

Que faire concrètement ?

Sans grande étude de qualité au niveau scientifique sur la vitamine D et la sclérose en plaques, il est actuellement difficile de se prononcer sur son efficacité ou non. La vitamine D n’est probablement pas un médicament miracle, notamment car elle semble ne pas être efficace chez tous les patients, mais en fonction de nos recherches et de l’expérience clinique de spécialistes comme le Prof. Holick, une haute dose de vitamine D devrait être instaurée chez toute personne souffrant de sclérose en plaques. Selon le Prof. Holick une très haute dose de vitamine D comme 50’000 UI ne pose pas de problème d’intoxication. Le médecin brésilien travaille lui avec des doses encore plus hautes et c’est pour cela qu’un suivi médical est très important, afin d’éviter des intoxications au calcium, menant à de graves troubles rénaux.

Il est toujours conseillé de demander conseil à son médecin pour avoir un deuxième avis et il ne faut jamais commencer une cure à haute dose de vitamine D sans un suivi médical strict.

Le 23 juin 2014 – Mise à jour 17 avril 2015. Par Xavier Gruffat (pharmacien). Sources: Folha de S.Paulo, Livre “The Vitamin D Solution” du Prof. Michael F. Holick (Ed. 2010), Veja (Groupe Abril), TV Globo.

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Informations sur la rédaction de cet article et la date de la dernière modification: 08.09.2017
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