AARHUS (DANEMARK) – De nombreuses personnes prennent des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) comme l’ibuprofène ou le diclofénac en cas de maladies douloureuses, de fièvre ou d’inflammation. Or, on sait que les AINS peuvent mener à des effets secondaires parfois importants comme des ulcères ainsi que de l’hypertension et d’autres troubles cardiaques. Une nouvelle grande étude danoise, avec collaboration européenne, vient de passer en revue de nombreuses études publiées à ce sujet. Ce travail a montré que certains médicaments pris notamment contre l’arthrite sont particulièrement dangereux chez des patients souffrant de troubles cardiaques.
Attention au diclofénac
“C’est connu depuis des années que des nouveaux AINS – appelés inhibiteurs de la COX-2 -augmentent le risque de crise cardiaque. C’est pour cela que de nombreux médicaments de cette famille ont été retirés du marché. Nous pouvons désormais observer que des AINS anciens, en particulier le diclofénac, sont aussi associés à un risque élevé d’infarctus du myocarde et apparemment dans la même mesure que plusieurs médicaments ayant été retirés du marché,” a affirmé dans un communiqué le Dr Morten Schmidt de l’Université d’Aarhus au Danemark, en charge de ce travail de recherche.
Il poursuit : “C’est inquiétant, car ces médicaments sont fréquemment prescrits en Occident et dans de nombreux pays sont en vente sans ordonnance.”
Retour sur le scandale du Vioxx
Rappelons qu’en 2004, le Vioxx (rofécoxib) avait été retiré du marché à cause du risque accru d’infarctus du myocarde. A l’époque de sa mise sur le marché en 1999, cet AINS qui agit comme inhibiteur de la COX-2 était considéré comme une avancée significative dans le traitement de certaines maladies rhumatismales.
AINS, médicaments très prescrits
Les AINS sont indiqués dans de nombreuses maladies ou troubles comme l’arthrite, les troubles menstruels, les maux de tête, les maux de dos, les infections virales, etc. A la différence des anti-inflammatoires stéroïdiens comme la cortisone, on estime qu’ils présentent moins d’effets secondaires et de contre-indications, c’est pourquoi ils sont très utilisés autant sans ordonnance (OTC) que sur prescription médicale (Rx). Des exemples d’AINS sont l’ibuprofène, le diclofénac, le celecoxib ou le naproxène (peu utilisé en Europe, bien plus sur le continent américain). Il faut savoir que le paracétamol n’appartient pas à la classe des AINS.
Selon les chercheurs danois, chaque année plus de 15% des habitants des pays occidentaux se voient prescrire des AINS. Ce chiffre augmente avec l’âge. Au Danemark, 60% de la population adulte reçoit au moins une ordonnance pour un AINS sur une période de 10 ans. Les patients cardiaques ne sont pas une exception, des études précédentes ont notamment montré que jusqu’à 40% des Danois avec des troubles cardiaques ou ayant déjà souffert d’un infarctus du myocarde se voient prescrire des AINS.
Nouvelles recommandations
Dans cette étude danoise, les chercheurs ont analysé tous les travaux de recherche à propos de l’utilisation d’AINS chez des patients souffrant de troubles cardiaques. La conséquence est que la Société Européenne de Cardiologie (European Society of Cardiology) a formulé pour la première fois un nombre de recommandations sur les considérations que le médecin devrait prendre en compte avant de prescrire ces antidouleurs.
“Quand les médecins prescrivent des AINS, ils doivent évaluer le risque de complications cardiaques et de saignement pour chaque patient. Les AINS devraient seulement pouvoir être vendus en vente libre (OTC) s’ils sont accompagnés d’un avertissement adéquat du risque cardiovasculaire. En général, les AINS ne devraient pas être utilisés chez des patients souffrant de pathologies cardiaques ou à haut risqué”, a affirmé dans le même communiqué le Prof. Christian Torp-Pedersen, un autre auteur qui travaille à l’Université d’Aalborg, également située au Danemark.
La consommation d’AINS devrait diminuer encore plus
Pendant de nombreuses années, les chercheurs danois ont mené des recherches importantes à ce sujet. Un résultat concret a été la réduction de l’utilisation du diclofénac au Danemark. Mais selon le Dr Morten Schmidt, il y a encore de la marge pour améliorer la situation : “Beaucoup de pays européens consomment davantage de ces médicaments que les Danois. Néanmoins, nous pouvons encore faire mieux et utiliser à la place de ces AINS contre l’arthrite du paracétamol, de la physiothérapie, des opioïdes légers ou certains AINS présentant moins de risques pour la santé cardiaque. Bien sûr, les recommandations qui ont été mises en place à la suite de notre étude sont une étape importante dans l’intérêt de la sécurité patient,” toujours selon le Dr Schmidt.
Il faut relever que d’importantes différences existent d’un pays à l’autre, par exemple le diclofénac est en vente libre (sans ordonnance) en Suisse mais est délivré sur ordonnance aux Etats-Unis.
Cette étude, en collaboration avec 14 universités et hôpitaux européens, a été publiée le 17 mars 2016 dans la prestigieuse revue scientifique European Heart Journal.
Aux Etats-Unis aussi
En juillet 2015, l’agence américaine du médicament (FDA) avait demandé aux industriels du médicament établis aux Etats-Unis de renforcer la notice d’emballage sur tous les AINS commercialisés dans ce pays, à cause du risque accru d’infarctus du myocarde et d’AVC. Tout comme les chercheurs danois, les scientifiques de la FDA avaient passé en revue plusieurs études scientifiques pour arriver à ces nouvelles directives envers les industriels. Aux Etats-Unis, les AINS vendus en vente libre contiennent déjà la mention du risque d’infarctus et d’AVC dans la notice d’emballage, mais en juillet 2015 la mention n’était pas encore présente sur tous les AINS vendus sur ordonnance. Ce travail de recherche américain avait montré que chaque individu prenant des AINS, sans être forcément à risque cardiovasculaire, présente un risque accru de souffrir d’infarctus ou d’AVC. Autrement dit, tout le monde est à risque.
Déjà au début
Selon la FDA, le risque de souffrir d’un d’infarctus du myocarde ou d’AVC peut se manifester déjà pendant les premières semaines de traitement avec un AINS.
A retenir de ces études
Il faut consommer le moins possible d’AINS, avec une dose et une durée respectivement la plus faible et courte possible. N’hésitez pas à demander conseil à votre médecin ou pharmacien pour des conseils personnalisés et trouver éventuellement des alternatives.
Le 20 mars 2016. Par Xavier Gruffat (pharmacien, MBA). Sources : Communiqué de presse de l’étude, Wikipedia.org (concernant le Viox), FDA (étude américaine), CBSNews.