LONDRES – Les médicaments à base de plantes médicinales et les suppléments alimentaires, toujours plus à la mode, peuvent provoquer des dommages au niveau du foie égaux, sinon supérieurs, aux médicaments traditionnels. Cette alerte provient d’experts réunis à Londres lors d’un congrès international sur le foie (International Liver Congress) qui s’est terminé le 13 avril 2014. Les personnes consommant ces produits naturels pensent à tort qu’il s’agit “seulement de plantes” et oublient dans la grande majorité des cas d’en parler à leur médecin.
Des plantes très utilisées comme le thé vert ou le curcuma peuvent dans certains cas mener à des troubles hépatiques sévères. Des plantes plus connues pour poser des problèmes hépatiques comme le kava, pour soigner l’anxiété, appartiennent aussi à ces produits naturels à risque.
Sans compter que certains fabricants mentionnent le terme “naturel” sur l’emballage faisant croire que le produit contient par exemple du curcuma comme c’est le cas dans le Fortodol (surtout vendu sur Internet) alors qu’il contient également un produit d’origine chimique, le numésulfide, un anti-inflammatoire avec un effet potentiellement hépatotoxique. On note au passage l’importance d’acheter ces produits naturels dans un point de vente de confiance avec un professionnel formé à ces problématiques, idéalement en pharmacie.
Des cas de décès
Selon les spécialistes du foie, il est difficile de quantifier ces effets secondaires hépatiques, certains avancent des chiffres et estiment que 12 à 19 personnes sur 100’000 prenant des médicaments à base de plantes médicinales développent des troubles hépatiques. Un chiffre qui n’est pas haut mais significatif, quand on sait que dans environ 10% des cas le patient va décéder. On dénombre ainsi 1 à 2 décès pour 100’000 habitants. En criminologie on compte aussi le taux d’homicide en nombre de morts pour 100’000 habitants, parfois aussi pour les accidents de la route. Pour vous permettre d’avoir un ordre d’idée, 1 à 2 décès pour 100’000 habitants est plus ou moins égal au taux d’homicide en France mais est moins que le nombre de décès d’accidents de la route (environ 5 pour 100’000 en France).
Les produits hépatotoxiques
Environ un tiers (31,9%) des rapports signalant des dommages hépatiques concernent les antibiotiques avec en tête dans 23% des cas l’association amoxicilline et acide clavulanique (Augmentin et génériques), un antibiotique très prescrit, comme l’explique le Dr Dominique Larrey, hépatologue à l’Ecole de Médecine de Montpellier.
Les produits à base de plantes médicinales représentent environ 10% des troubles hépatiques, alors qu’ils sont utilisés par 32% des malades.
“C’est une grande préoccupation pour les médicaments et compléments alimentaires à base de plantes médicinales – explique le Dr Mario Mondelli, infectiologue à la polyclinique San Matteo de Pavie dans le nord de l’Italie – parce que les patients ont la conviction que prendre ces plantes est anodin et ainsi que ces produits ne peuvent pas être mauvais pour la santé, mais c’est faux pour de nombreuses raisons. Les plantes médicinales peuvent être tout simplement toxiques, sans compter des problèmes dans le processus ou la méthode d’extraction menant à des impuretés ou à un mauvais dosage”.
Le Dr Larrey relève que 9% des cas de troubles hépatiques sont provoqués par des produits à base de plantes mais que ce chiffre pourrait être inférieur à la réalité, car environ 90% des personnes utilisant ces produits n’informent par leur médecin. Une habitude qui peut s’avérer dangereuse par exemple si elle est associée à la prise d’autres médicaments, menant à d’éventuelles interactions.
Le nombre de substances “naturelles” avec un potentiel hépatotoxiques serait de plus de 50. On a observé des cas de maladies hépatiques provoqué par la levure de riz rouge, un produit naturel très utilisé contre le mauvais cholestérol (LDL), qui peut être contaminé par un micro-organisme.
Pas seulement les médicaments à base de plantes, les antibiotiques surtout
Le Dr Mondelli rappelle qu’il ne s’agit pas seulement des médicaments à base de plantes qui peuvent être dangereux pour le foie et qu’il ne faut pas oublier les médicaments traditionnels (ceux vendus en pharmacie avec un contrôle strict au niveau de la mise sur le marché). Comme on l’a vu ci-dessus les antibiotiques sont particulièrement problématiques avec notamment l’Augmentin et ses génériques, principal médicament responsable de complications hépatiques en Occident. Certains antidouleurs comme le paracétamol, s’ils sont mal utilisés, sont aussi des risques majeurs pour le foie.
Creapharma ne peut que rappeler la grande importance du pharmacien, professionnel formé pendant plusieurs années d’étude universitaire, pour répondre aux problématiques du médicament et des produits à base de plantes médicinales.
Par Xavier Gruffat, pharmacien. Le 16 avril 2014. Avec agences de presse (ATS), en grande partie traduit de l’italien de notre site Creafarma.ch
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