URBANA (Illinois) – Alors que les villes du monde entier sont à nouveau sous pression et que le nombre de cas de Covid-19 explose, la saisonnalité pourrait-elle être en partie responsable ? Une nouvelle étude de l’Université de l’Illinois publiée le 27 janvier 2020 dans le journal Evolutionary Bioinformatics (DOI : 10.1177/1176934321989695) répond par l’affirmative.
Dans cet article, des chercheurs de l’Illinois montrent que les cas de Covid-19 et les taux de mortalité, entre autres paramètres épidémiologiques, sont en corrélation significative avec la température et la latitude dans 221 pays.
Une maladie saisonnière comme la grippe
Une conclusion est que la maladie pourrait être saisonnière comme la grippe. Ceci est très pertinent pour ce à quoi nous devrions nous attendre à partir de maintenant, après que le vaccin aura contrôlé ces premières vagues de Covid-19, selon l’explication de Gustavo Caetano-Anollés, professeur au département des sciences des cultures, affilié à l’Institut Carl R. Woese de biologie génomique de l’Illinois, et auteur principal de l’article.
La nature saisonnière des maladies virales est si répandue qu’elle fait désormais partie de la langue vernaculaire anglaise. Par exemple, nous parlons souvent de la « saison de la grippe » pour décrire l’incidence plus élevée de la grippe pendant les mois froids de l’hiver. Au début de la pandémie, les chercheurs et les responsables de la santé publique ont suggéré que le SRAS-CoV-2 pourrait se comporter comme les autres coronavirus, dont beaucoup se développent en automne et en hiver. Mais les données manquaient, surtout à l’échelle mondiale. Les travaux de Caetano-Anollés et de ses étudiants comblent cette lacune spécifique dans les connaissances.
Méthode
Tout d’abord, les chercheurs ont téléchargé des données épidémiologiques pertinentes (incidence des maladies, mortalité, cas de guérison, cas actifs, taux de dépistage et d’hospitalisation) provenant de 221 pays, ainsi que leur latitude, longitude et température moyenne. Ils ont tiré les données du 15 avril 2020, car cette date représente le moment d’une année donnée où la variation saisonnière de la température est à son maximum à travers le globe. Cette date coïncide également avec une période du début de la pandémie où les infections par la Covid-19 ont atteint un pic partout.
L’équipe de recherche a alors utilisé des méthodes statistiques pour tester si les variables épidémiologiques étaient corrélées avec la température, la latitude et la longitude. On s’attendait à ce que les pays les plus chauds et les plus proches de l’équateur soient les moins touchés par la maladie.
D’après le prof. Caetano-Anollés, cette analyse épidémiologique mondiale a montré une corrélation statistiquement significative entre la température et l’incidence, la mortalité, les cas de récupération et les cas actifs. La même tendance a été constatée avec la latitude, mais pas avec la longitude, comme les chercheurs l’avaient prévu.
Bien que la température et la latitude aient été indubitablement corrélées avec les cas de Covid-19, les chercheurs s’empressent de souligner que le climat n’est qu’un des facteurs qui déterminent l’incidence saisonnière de cette maladie dans le monde.
Ils ont pris en compte d’autres facteurs en standardisant les données épidémiologiques brutes en taux de maladie par habitant et en attribuant à chaque pays un indice de risque reflétant l’état de préparation de la santé publique et l’incidence des comorbidités dans la population. L’idée était que si la maladie se développait dans des pays aux ressources insuffisantes ou aux taux de diabète, d’obésité ou de vieillesse supérieurs à la moyenne, l’indice de risque apparaîtrait plus important dans l’analyse que la température. Mais cela n’a pas été le cas. L’indice n’était pas du tout corrélé avec les paramètres de la maladie.
Changements de mutation du virus et température
Des travaux antérieurs de Caetano-Anollés et de ses collègues ont identifié des zones du génome du virus du SRAS-CoV-2 qui subissaient une mutation rapide, certaines étant représentées dans la nouvelle variante du virus en provenance de Grande-Bretagne, et d’autres régions génomiques devenant plus stables. Comme des virus similaires présentaient des augmentations saisonnières des taux de mutation, l’équipe de recherche a cherché des liens entre les changements de mutation du virus et la température, la latitude et la longitude des sites sur lesquels les génomes ont été échantillonnés dans le monde entier.
« Les résultats suggèrent que le virus évolue à son propre rythme et que les mutations sont affectées par des facteurs autres que la température ou la latitude. Nous ne savons pas exactement quels sont ces facteurs, mais nous pouvons maintenant dire que les effets saisonniers sont indépendants de la composition génétique du virus », déclare le prof. Caetano-Anollés.
Il note que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour expliquer le rôle du climat et de la saisonnalité dans les incidences de la Covid-19, mais il suggère que l’impact des politiques, comme le port de masques, et les facteurs culturels, comme la conscience de faire attention aux autres, sont également des facteurs clés. Cependant, il ne néglige pas l’importance de comprendre la saisonnalité dans la lutte contre le virus.
Système immunitaire et saisonnalité
Les chercheurs affirment que notre propre système immunitaire pourrait être en partie responsable de la saisonnalité. Par exemple, notre réponse immunitaire à la grippe peut être influencée par la température et l’état nutritionnel, y compris la vitamine D, qui joue un rôle crucial dans nos défenses immunitaires. Avec une exposition au soleil plus faible en hiver, nous ne produisons pas assez de cette vitamine. Mais il est trop tôt pour dire comment la saisonnalité et notre système immunitaire interagissent dans le cas de la Covid-19.
« Nous savons que la grippe est saisonnière, et que nous faisons une pause pendant l’été. Cela nous donne une chance de mettre au point le vaccin contre la grippe pour l’automne suivant », explique le prof. Caetano-Anollés. Il rajoute que lorsque nous sommes encore en pleine pandémie, cette pause est inexistante. Peut-être qu’apprendre à renforcer notre système immunitaire pourrait nous aider à combattre la maladie alors que nous luttons pour rattraper le coronavirus en constante évolution.
Références & Sources :
Journal Evolutionary Bioinformatics (DOI : 10.1177/1176934321989695)
Personnes responsables et impliquées dans l’écriture de ce dossier :
Seheno Harinjato (Rédactrice chez Creapharma.ch, responsable des infographies), relecture le 21 janvier 2021 par Xavier Gruffat (pharmacien)
Date de dernière mise à jour du dossier :
29.01.2021
Crédits photos :
Creapharma.ch, Adobe Stock, © 2021 Pixabay
Crédit infographie :
Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch)