Dans son nouveau livre « Je me soigne grâce aux tisanes » (référence détaillée en bas de l’article), la Dr Christine Cieur, une pharmacienne spécialiste de la phyto-aromathérapie, invite ses lecteurs à découvrir 60 recettes d’infusions et décoctions. Ce livre est illustré par de très belles photos qui donnent envie de préparer tous ces remèdes naturels. A la fin du livre, un tableau résume judicieusement pour des dizaines de plantes la partie utilisée, la période de cueillette, les propriétés principales et les précautions d’emploi. Creapharma.ch a pu lui poser quelques questions par e-mail à l’occasion de la sortie de son livre en septembre 2023. Elle nous explique par exemple pourquoi elle est très attachée au label « bio ».
Creapharma.ch (Xavier Gruffat, pharmacien) – Vous commencez votre ouvrage avec plusieurs conseils pratiques sur les tisanes. Est-ce qu’il y a un ou deux conseils qu’on a tendance à oublier quand on parle de tisane, vous dites que la tisane fait boire (diurétique)…
Dr Christine Cieur – Effectivement, la tisane fait boire et aura déjà une action de drainage doux au sein de l’organisme. De plus, le temps que nous passons à préparer la tisane fait aussi partie du processus de soin car nous prenons du temps pour nous, ce qui, me semble t-il, est très important dans notre société où tout doit aller vite…
Au fond la tisane n’est pas ringarde, quels sont (en quelques phrases) les principaux atouts de la tisane comme vous l’expliquez bien au début de votre livre ?
La tisane possède avant tout une biodisponibilité performante du fait de la solubilité des principes actifs dans l’eau, ceux-ci seront très rapidement assimilables et actifs. Sans alcool, elle convient à tous, petits et grands (à condition bien sûr de choisir les bonnes plantes adaptées à l’âge). Et enfin, elle est financièrement intéressante par rapport aux autres formes galéniques.
Il semble que toutes les tisanes mentionnées dans votre livre sont des mélanges de plantes, c’est-à-dire des tisanes composées, pourquoi un tel choix ? Vous n’aimez pas les tisanes simples comme le thym ou la camomille (rire) ? Et vos recettes n’ont presque jamais plus de 5 ou 6 plantes, pourquoi ?
Si bien sûr, il est tout à fait possible de préparer une tisane avec une seule plante. Et les exemples que vous mentionnez sont typiquement deux bons exemples car le thym et la camomille sont deux plantes puissantes par elles-mêmes. Par exemple, la tisane camomille romaine suffit bien souvent à soulager des douleurs de règles. Cependant, l’objet de l’ouvrage était de proposer des associations bien choisis, c’est-à-dire pour optimiser les différents axes d’action, ce que ne permet pas toujours l’emploi d’une plante unique. Pour répondre à l’autre question, plus le nombre de plantes est élevé, moins on peut maîtriser l’action synergique qui découle de l’association. Ainsi, inutile d’associer trop de plantes ensemble.
Une critique qui revient souvent concernant l’utilisation des plantes est le manque de reproductibilité d’un végétal (“drogue végétale”). Par exemple une espèce peut avoir moins de principes actifs à cause d’influences climatiques ou de méthodes de séchage. Pensez-vous que c’est un problème avec les tisanes ?
Effectivement, la tisane n’est pas une forme galénique standardisée et la concentration de tel ou tel composé actif peut différer d’un lot à l’autre selon les conditions climatiques ou de culture, etc. Cependant, la tradition montre que cela n’entrave pas la reproductibilité des résultats à condition, bien évidemment, d’utiliser des plantes de qualité ; et c’est pour cela que pour ma part, j’attache de l’importance au label « bio ». D’autre part, ce qui est assez remarquable, c’est que compte tenu du nombre élevé de principes actifs au sein de la plante, il y a comme une synergie d’activité entre les composés et c’est peut-être une des explications à la reproductibilité de l’effet thérapeutique.
En général, vous préférez des feuilles séchées ou fraîches ? Ou cela dépend ? Par rapport à la quantité, j’avais appris à la faculté (université) qu’en général si la feuille est fraîche, il faut doubler la quantité par rapport à une feuille séchée.
Oui, en théorie, compte tenu de la quantité d’eau beaucoup plus importante dans la plante fraîche par rapport à la plante sèche (qui à poids égal contient donc plus de principes actifs), il est communément admis de doubler la dose en cas de plante fraîche. Cependant, en pratique, ce n’est pas toujours valable car le fait d’utiliser des tissus frais « vivants » permet d’obtenir un résultat tout aussi efficace. Donc, je n’ai pas de préférence mais par la force des choses, étant donné qu’une plante fraîche ne se garde pas longtemps, la tisane est souvent réalisée à partir de plantes séchées qui elles, se conservent et sont utilisables beaucoup plus longtemps !
Pour les tisanes, vous faites la distinction entre infusion et décoction, pourriez-vous préciser ? On voit que contre l’eczéma ou l’acné, il s’agit d’une décoction à base de plusieurs plantes, et pas d’une tisane. Vous écrivez aussi de façon intéressante, même pour des racines on peut parfois quand même en faire des infusions, mais il faut les couper finement…
Rappelons tout d’abord que le mot tisane désigne l’opération qui consiste à extraire des principes actifs d’une plante par l’eau. Si on verse l’eau frémissante sur la plante et qu’on laisse en contact avant de filtrer, il s’agit d’une infusion. En revanche dans la décoction, on met la plante dans l’eau froide et on monte la température jusqu’à l’ébullition en maintenant le frémissement un certain temps. Généralement, l’infusion est réservée aux parties tendres ou fragiles de le plante (feuille, fleur) tandis que la décoction sera davantage employée pour les racines, les feuilles coriaces ou les écorces. Mais comme toujours, il peut y avoir des exceptions, selon la nature spécifique de principes actifs qui peuvent être particulièrement sensible à la chaleur (comme pour l’écorce de saule pour laquelle on préfèrera faire une infusion plutôt qu’une décoction). Cependant, en pratique, chacun fait un peu comme il lui plaît…!
Parfois des mélanges de tisanes vendus dans le commerce ont un peu de stévia comme plante sucrante. Certains apprécient, car ensuite on n’a pas besoin de sucrer. Recommandez-vous pour ceux qui aiment le sucré de mettre un peu de stévia ou une autre plante sucrante pour éviter de rajouter du sucre à la tisane ?
Dans l’idéal on ne devrait pas ajouter de sucre dans une tisane. A défaut, on peut effectivement utiliser de la stévia ou bien un peu de miel, pour les plus gourmands…
J’ai l’impression que les tisanes pour s’endormir ne sont pas toujours très efficaces, je parle ici pour moi et des personnes de mon entourage qui ont essayé. Est-ce que vous avez un bon retour, dans votre tisane pour l’insomnie occasionnelle vous incluez 4 plantes (passiflore, valériane, eschscholtzia et tilleul). Il est évident qu’une tisane est préférable à du zolpidem (Stilnox), mais si cela ne marche pas…
Une tisane ne pourra en effet jamais rivaliser avec un médicament somnifère…Cependant, contrairement à lui, les plantes utilisées ne déstructurent pas l’architecture des différentes phases du sommeil. La tisane proposée suffit bien souvent dans les insomnies passagères et légères. En revanche, si le trouble est plus important mieux vaut se tourner sur une autre forme galénique (gélules d’extrait sec) car malheureusement, boire la tisane le soir nous fait lever la nuit à cause de l’effet diurétique…
Un commentaire final, d’un point de vue scientifique j’ai l’impression que la tisane contre l’hypertension artérielle à base de 4 plantes (olivier, aubépine, hibiscus et ortie) est très efficace et bien documentée. Prise de façon indépendantes, des études ont montré l’efficacité de plusieurs de ces plantes. Avez-vous eu aussi observé dans la réalité une haute efficacité de cette tisane ? En plus de cette tisane, sur les 60 est-ce qu’il y en a d’autres qui vous paraissent aussi scientifiquement fondées ?
Et bien, oui, de très nombreuses plante ont montré scientifiquement leur efficacité. J’ai personnellement souvent conseillé le mélange contre l’hypertension avec des résultats tout à fait positifs. C’est aussi le cas pour la tisane contre les douleurs rhumatismales (cassis, bouleau, saule, ortie) ou celle contre les cystites (bruyère, genévrier, pissenlit), sans oublier celle des ballonnements pour laquelle les plantes qui la composent ont été particulièrement bien étudiées pour leurs propriétés digestives.
Découvrez toutes ces tisanes dans son livre : « Je me soigne grâce aux tisanes », de Dr Christine Cieur et d’Athina Canévet (photographies) aux éditions terre vivante. No ISBN : 9782360987269
Remarque : Creapharma.ch n’est pas rémunéré pour la promotion de ce livre.
Article publié le 25 septembre 2023. Interview réalisée en septembre 2023 par l’équipe de Creapharma.ch, notamment Xavier Gruffat (pharmacien), pour le site Creapharma.ch. Crédits photos : divulgation (auteur et éditeur).