VANCOUVER – Une équipe canadienne de renom menée par le Dr Patrick McGeer a réalisé avec succès des études suggérant qu’une consommation quotidienne d’ibuprofène, si commencée de façon précoce par exemple dès 55 ans, permettait de prévenir le début de la maladie d’Alzheimer chez des personnes à risque. Cela signifie que la simple prise d’ibuprofène, en vente dans presque toutes les pharmacies de la planète, permet de stopper la maladie d’Alzheimer. Cette étude ne semble toutefois pas faire l’unanimité parmi les scientifiques. En 2018, la maladie d’Alzheimer ne compte aucun traitement efficace pour arrêter la progression de la maladie comme le relevait un article du Wall Street Journal il y a quelques mois, c’est pourquoi des méthodes de prévention peuvent s’avérer très utiles.
Le Dr McGeer, président et CEO de la société Aurin Biotech à Vancouver au Canada, ainsi que sa femme la Dr Edit McGeer, appartiennent aux neuroscientifiques les plus cités au monde, selon un communiqué en anglais paru sur le site scientifique EurekAlert fin mars 2018. Le laboratoire où travaille ce couple est connu pour leurs travaux effectués ces 30 dernières années sur la maladie d’Alzheimer.
Test de salive
En 2016, le Dr McGeer et son équipe ont annoncé avoir développé un simple test salivaire qui peut diagnostiquer la maladie d’Alzheimer, ainsi que prédire sa future apparition. Le test repose sur une mesure de la concentration du peptide amyloïde bêta protéine 42 (Abeta42) sécrétée dans la salive. Chez la plupart des individus, le taux de productions d’Abeta42 est presque exactement le même indépendamment du sexe ou de l’âge. Cependant, si ce taux de production est 2 à 3 fois plus élevé, ces individus sont destinés à développer la maladie d’Alzheimer. Comme l’Abeta42 est relativement insoluble, bien que produit dans tout le corps, des dépôts ont lieu seulement dans le cerveau, menant à une neuroinflammation. Il s’en suit une destruction des neurones dans les cerveaux des personnes souffrant d’Alzheimer. Le Dr McGeer a notamment réussi à prouver que l’Abeta42 pouvait être produit dans n’importe quel organe du corps humain, il est par exemple sécrété dans la salive. Le résultat est qu’avec une quantité de salive correspondant à une cuillère à café, il est possible de prédire si une personne va souffrir de la maladie d’Alzheimer. Les résultats de ce test donnent l’opportunité de commencer à prendre des médicaments qui agissent contre l’inflammation comme l’ibuprofène. Selon les informations du site canadien The Tyee, ce test salivaire n’est pour le moment pas à la disposition des Canadiens, en tout cas pas à grande échelle.
Critiques
Toutefois, comme le relève le site The Tyee, qui a publié un article sur cette étude, ce test de salive doit être encore reproduit par d’autres scientifiques. Certains se sont montrés en partie sceptiques dans un article paru sur le site Science Media Center citant notamment le fait que plusieurs études publiées sur l’ibuprofène pour prévenir Alzheimer étaient arrivées à des résultats contradictoires. De plus, la dose exacte d’ibuprofène quotidienne n’est pas précisée. Il se peut aussi que d’autres anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) que l’ibuprofène comme l’aspirine ou l’acide méfénamique (une étude sur des souris avait montré des résultats intéressants) puissent être plus efficaces.
Le Dr McGeer estime dans le communiqué de l’étude qu’il faudrait commencer à effectuer ce test salivaire à 55 ans environ, soit 10 environ avant l’apparition de la maladie (prévalence). Selon le scientifique de 90 ans, si le test salivaire relève un niveau élevé d’Abeta 42, il faut commencer à prendre de l’ibuprofène quotidiennement pour prévenir l’apparition d’Alzheimer.
Prévention ?
Le scientifique canadien avance un argument intéressant : “Malheureusement, la plupart des études cliniques publiées jusqu’à présent se sont concentrées sur des patients avec un déclin cognitif qui étaient déjà modéré ou grave, à ce moment les opportunités thérapeutiques sont minimes. Par conséquent, chaque essai clinique a échoué pour stopper l’avancée de la maladie. Notre découverte change les règles du jeu. Nous avons maintenant un test simple qui peut indiquer si une personne est destinée à souffrir de la maladie d’Alzheimer bien avant qu’elle commence à se développer. Les personnes peuvent contribuer à prévenir son apparition à travers une solution simple qui ne nécessite pas d’ordonnance ou une visite médicale.” Sa phrase de conclusion est très optimiste : “Il s’agit d’une vraie percée médicale (breakthrough en anglais) car elle va dans la direction où la maladie d’Alzheimer pourrait être finalement éliminée.
Cette étude a été publiée le 16 mars 2018 dans le journal scientifique Journal of Alzheimer’s Disease (DOI : 10.3233/JAD-179913).
Faut-il commencer à prendre de l’ibuprofène ?
Comme les résultats n’ont pour le moment pas été reproduits par d’autres chercheurs en ce qui concerne ce test de salive, il est déconseillé de commencer à prendre de l’ibuprofène tous les jours en tout cas sans la recommandation d’un médecin. Car on sait que cet anti-inflammatoire peut mener à des nausées, diarrhées et surtout des complications rénales, cardiaques et hépatiques en particulier lors d’une prise à long terme. Si vous avez des cas d’Alzheimer dans la famille, parlez avec votre médecin de cette étude (les références sont clairement mises sur cet article) afin de connaître son avis à ce sujet. Pourquoi ne pas demander l’avis de plusieurs médecins pour avoir des opinions différents et arriver à la meilleure conclusion.
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Le 9 avril 2018. Par Xavier Gruffat . Sources : communiqué de presse de l’étude, The Tyee (média de Vancouver, Canada), Science Media Center
Référence : Journal of Alzheimer’s Disease (DOI : 10.3233/JAD-179913).
Crédits photos : Fotolia.com. Infographie : Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch)
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