WASHINGTON – Certains diront que les Américains ont inventé la cigarette, ou en tout cas ont fortement contribué à sa diffusion à travers le monde notamment à cause de publicités mettant en scène un célèbre cow-boy. Ils ont clairement leur part de responsabilité, mais la situation semble changer ces dernières années avec un pays beaucoup plus agressif contre l’industrie du tabac. La première économie du monde essaie peut-être de se racheter une conscience et surtout de faire des économies sur les coûts sanitaires engendrés par le tabagisme (évalués à USD 300 milliards par année aux Etats-Unis). Une décision prise fin juillet 2017 par la FDA (Food and Drug Administration), l’agence de régulation américaine des médicaments et aliments, va dans ce sens. L’agence va commencer à imposer dès fin 2017, mais échelonné sur plusieurs années, à tous les fabricants aux Etats-Unis d’enlever presque toute la quantité de nicotine dans les cigarettes, y compris électroniques. La mesure devrait surtout cibler les jeunes pour qu’ils aient plus de faciliter à arrêter quand ils le désirent, une cigarette sans nicotine est beaucoup moins addictive comme le montre des études scientifiques.
Nicotine, une vraie drogue
La nicotine n’est pas cancérigène, à la différence des milliers de substances chimiques qu’on trouve dans une cigarette, mais elle provoque clairement une très forte dépendance (addiction) surtout lorsqu’elle est fumée. Le plus célèbre médecin brésilien, Dr Drauzio Varella, qui a beaucoup travaillé avec des prisonniers au Brésil a une fois affirmé qu’il était plus facile d’arrêter le crack, de la cocaïne fumée très addictive, plutôt que le tabac. Il est arrivé à ces conclusions en observant le comportement des détenus qui arrivaient à se passer en prison de cocaïne mais pas de cigarettes classiques. Selon le Dr Neal Benowitz de l’Université de Californie à San Francisco, la nicotine consommée dans les cigarettes traditionnelles est autant addictive que la cocaïne et l’héroïne. Le Dr Benowitz et son équipe ont mené une étude il y a environ 20 ans montrant qu’en général les personnes ne continueraient pas à fumer à long terme des cigarettes contenant une faible quantité de nicotine.
L’horreur du tabac
Le délégué de la FDA, le Dr Scott Gottlieb, qui est entré en fonction ces derniers mois et qui est responsable de cette nouvelle mesure a lui aussi eu comme médecin une expérience très négative avec le tabagisme comme le relate un article du Wall Street Journal (WSJ) paru le 27 septembre 2017. Quand il travaillait en milieu hospitalier dans la région de New York, il a vu beaucoup de dégâts provoqués par le tabagisme et pas seulement des cas de cancer mais aussi des maladies cardiaques, pulmonaires ou du diabète. Il est d’ailleurs lui-même un survivant du cancer, il a souffert du lymphome de Hodgkin.
En 2015, un peu moins de 20% de la population américaine adulte fumait, en nette diminution depuis 1965 avec à cette époque plus de 40% de fumeurs. Néanmoins, les conséquences du tabagisme mènent encore actuellement à plus de 480’000 morts par année aux Etats-Unis.
Moins addictive
Une étude publiée en 2015 avec des fonds provenant de la FDA et des National Institutes of Health a montré que lorsque la nicotine n’était plus présente dans les cigarettes, ou en quantité très faible, il était plus facile pour les fumeurs d’arrêter ou de se tourner vers des alternatives moins dangereuses comme la e-cigarette ou les chewing-gums que ceux avec des niveaux normaux de nicotine. Cette étude a été publiée en octobre 2015 dans le journal scientifique de référence New England Journal of Medicine (DOI : 10.1056/NEJMsa1502403).
Cibler les jeunes
L’idée de réduire massivement la concentration de nicotine dans les cigarettes n’est pas nouvelle, elle date déjà des années 1990 au sein de la FDA. L’objectif de l’agence américaine du médicament est de surtout cibler les jeunes, car presque 90% des fumeurs actuels ont commencé à fumer avant l’âge de 18 ans avec environ 2’500 jeunes chaque jour qui fument leur première cigarette aux Etats-Unis. Les scientifiques pensent que si un jeune commence à fumer une cigarette avec une concentration très faible de nicotine, il sera moins dépendant et aura ainsi plus de facilité à arrêter de fumer par la suite.
Les fabricants de cigarette électronique auront plus de temps pour se préparer, soit quelques années, avant que la réglementation avec une absence ou très faible teneur en nicotine rentre en vigueur pour cette « cigarette » alternative.
Tue la moitié des consommateurs
« L’accablant nombre de morts et de maladies attribuables au tabagisme est causé par la dépendance à la cigarette, le seul produit de consommation légal, qui si utilisé de façon prévue tuera la moitié des consommateurs à long terme, » explique le Dr Gottlieb dans un communiqué de la FDA publié le 28 juillet 2017.
En 2017 un paquet de 20 cigarettes coûtait, taxes incluses, plus de 10 dollars à New York. Comme une partie importante de fumeurs ont de faibles revenus, le fait de continuer d’augmenter le prix du paquet de cigarette devient difficile pour cette population modeste comme le relève un éditorial du journal américain USA Today publié fin août 2017. Sans être enthousiastes, les éditorialistes de ce journal estiment que cette idée de la FDA est intéressante. Augmenter continuellement le prix du paquet de cigarette peut aussi favoriser le marché noir ou gris, par conséquent cette idée de réduire massivement la quantité de nicotine est tout à fait valable.
Chute en bourse
Certains diront que c’est anecdotique si on compare au plus d’1,3 million de morts par année, selon l’OMS, provoquées par le cancer du poumon, causé en très grande partie par la fumée de cigarette, en notant que les actions des grands industriels du tabac ont dégringolé (jusqu’à moins 10%) à la bourse de New York à l’annonce de la FDA fin juillet 2017. Preuve peut-être que la mesure devrait être efficace à long terme.
France
En France, comme le relève Le Figaro, l’usage de la cigarette électronique sera interdit dès le 1er octobre 2017 dans plusieurs lieux publics comme les bureaux, établissements scolaires et transports en commun. Ce journal relève qu’actuellement l’e-cigarette est utilisée quotidiennement par environ 3% des Français. En France, selon différentes statistiques citées notamment par le média France 3 en 2014 entre 25 et 32% de la population française fume des cigarettes classiques.
Le 28 septembre 2017. Par Xavier Gruffat (Pharmacien). Sources : The Wall Street Journal, FDA (site officiel, lisez ici le communiqué du 28 juillet 2017), USA Today, Le Figaro (paragraphe sur la France). Référence étude : New England Journal of Medicine (DOI : 10.1056/NEJMsa1502403).
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Correction du texte : rédaction de Creapharma