Une équipe de chercheurs suisses a mis en évidence les effets bénéfiques des activités musicales pour contrer le vieillissement normal du cerveau. Le vieillissement normal s’accompagne inévitablement d’une diminution plus ou moins importante des performances cognitives. Mais peut-on entraîner son cerveau pour ralentir ce processus ? Une équipe de l’Université de Genève (UNIGE), de la HES-SO Genève et de l’EPFL a découvert que la pratique et l’écoute active de la musique pouvaient freiner le déclin cognitif chez les seniors en bonne santé, en stimulant la production de matière grise. Pour parvenir à ces résultats, les scientifiques ont suivi durant six mois plus de cent retraités inscrits à des cours de piano et de sensibilisation musicale, qui n’avaient jamais pratiqué jusque-là. Ces résultats ouvrent de nouveaux horizons dans l’accompagnement du vieillissement neurocognitif. Ils sont à découvrir dans NeuroImage : Reports (DOI : 10.1016/j.ynirp.2023.100166).
Tout au long de l’existence, notre cerveau se remodèle. Sa morphologie et ses connexions évoluent en fonction des expériences et de l’environnement. C’est par exemple le cas lorsque nous intégrons de nouveaux apprentissages ou surmontons les séquelles d’une attaque cérébrale. En vieillissant, cette «plasticité cérébrale» diminue. Le cerveau perd également de la matière grise, siège de nos précieux neurones. On parle alors d’«atrophie cérébrale».
Progressivement, un déclin cognitif apparaît. Il touche en particulier notre mémoire de travail. Elle est à la base de nombreux processus cognitifs. Par exemple, lorsque l’on retient des informations brièvement afin d’atteindre un but, comme retenir un numéro de téléphone le temps de le noter ou encore traduire une phrase issue d’une autre langue.
Une étude pilotée par l’UNIGE, la HES-SO Genève et l’EPFL révèle que la pratique et l’écoute active de la musique pourraient freiner ce déclin. Elles favorisent la plasticité cérébrale et ainsi l’augmentation du volume de matière grise. Des effets bénéfiques ont également été mesurés sur la mémoire de travail. Cette étude a été menée auprès de 132 retraités âgés de 62 à 78 ans et en bonne santé. L’une des conditions de participation était de ne pas avoir suivi de cours de musique durant plus de six mois au cours de sa vie.
Pratique vs écoute active
«Nous voulions des personnes dont le cerveau ne portait encore aucune trace de plasticité cérébrale liée à un apprentissage musical. En effet, même un bref apprentissage au cours de l’existence peut laisser des empreintes sur le cerveau, ce qui aurait faussé nos résultats», explique Damien Marie, collaborateur scientifique au CIBM Centre d’imagerie biomédicale de la Faculté de médecine et au Centre interfacultaire des sciences affectives (CISA) de l’UNIGE, ainsi qu’à la Haute école de santé Genève (HES-SO Genève), et premier auteur de l’étude.
Les participants ont été répartis aléatoirement dans deux groupes, indépendamment de leur motivation ou non à pratiquer un instrument. Les membres du premier groupe ont suivi des cours de piano hebdomadaires. Les membres du second, des cours d’écoute active axés notamment sur la reconnaissance des instruments et l’analyse de la structure d’œuvres, dans une large palette de styles musicaux. Les cours duraient une heure. Les participants des deux groupes devaient fournir du travail à domicile, à raison d’une demi-heure par jour.
Effets positifs dans les deux groupes
«Après six mois, nous avons constaté des effets communs aux deux interventions. La neuroimagerie a révélé, chez l’ensemble des participants, une augmentation de la matière grise dans quatre régions du cerveau impliquées dans le fonctionnement cognitif de haut niveau, notamment dans des zones du cervelet mobilisées dans la mémoire de travail. Leurs performances ont augmenté de 6% et ce résultat était directement corrélé à la plasticité du cervelet», indique Clara James, privat-docent à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’UNIGE, professeure ordinaire à la Haute école de santé Genève (HES-SO Genève) et dernière auteure de l’étude. Les scientifiques ont aussi constaté que la qualité du sommeil, le nombre de cours suivis et l’entraînement quotidien avaient un impact sur le degré d’amélioration des performances.
Les chercheur ont cependant noté une différence entre les deux groupes: le volume de matière grise est resté stable dans le cortex auditif primaire droit des pianistes – une région spécialisée dans le traitement des sons – alors qu’il a diminué dans le groupe d’écoute active. «Dans tous les cas, un processus global d’atrophie s’est poursuivi chez l’ensemble des participants. Les interventions musicales ne peuvent donc pas rajeunir le cerveau mais uniquement freiner le vieillissement de certaines de ses régions», précise Damien Marie.
Ces résultats révèlent que la pratique et l’écoute de la musique promeuvent la plasticité cérébrale et la réserve cognitive. Les auteurs de l’étude estiment que ces interventions, ludiques et accessibles, doivent devenir une priorité politique majeure pour l’accompagnement du vieillissement en bonne santé. Pour l’équipe, la prochaine étape consistera à évaluer le potentiel de ces interventions chez des personnes touchées par un déclin neurocognitif léger, un stade intermédiaire entre vieillissement normal et démence.
Références & Sources :
Communiqué de presse de l’Université de Genève (via EurekAlert.org) – légèrement adapté par Creapharma.ch, le 17 avril 2023.
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Date de dernière mise à jour du dossier :
18.04.2023
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