Autisme : presque 50% des symptômes réduits après une transplantation fécale

WASHINGTON – Environ 1 enfant sur 59 aux États-Unis est actuellement diagnostiqué autiste aux États-Unis, ce chiffre était de 1 pour 150 en l’an 2000. Cette augmentation de l’autisme, maladie qui porte aussi le nom de trouble du spectre autistique (TSA), a incité de nombreux chercheurs à se lancer dans le domaine de façon innovante. Une piste prometteuse de la recherche concerne le microbiome intestinal (anciennement flore intestinale), qui est l’ensemble des microbes qui vivent dans nos intestins et qui nous aide de plusieurs façons, y compris la digestion de nos aliments, la formation de notre système immunitaire et la prévention de la prolifération des bactéries nocives. Des recherches récentes suggèrent que le microbiome intestinal affecte également la communication cérébrale et la santé neurologique. Dans une nouvelle étude réalisée sur 18 enfants souffrant d’autisme, des chercheurs de l’Arizona ont réussi à montrer les effets bénéfiques à long terme pour les enfants atteints de TSA grâce à une technique révolutionnaire basée sur la transplantation fécale. Les scientifiques ont notamment pu constater une amélioration de la santé intestinale et des symptômes de l’autisme.

Traitements actuels

Actuellement, les traitements efficaces du TSA comprennent la thérapie comportementale, l’orthophonie et la sociothérapie, les médicaments et les approches diététiques et nutritionnelles. Cependant, aucun traitement médical spécifique n’a été approuvé pour traiter les symptômes de base du TSA tels que les difficultés de communication sociale et les comportements répétitifs.

Symptômes intestinaux

Environ 30 à 50 % de toutes les personnes atteintes d’autisme ont des problèmes gastro-intestinaux chroniques, principalement de la constipation ou de la diarrhée qui peuvent durer de nombreuses années. Cet inconfort et cette douleur chroniques peuvent causer de l’irritabilité, une diminution de l’attention et de l’apprentissage, et avoir un impact négatif sur le comportement. Dans de nombreux cas, lorsqu’on est capable de traiter ces problèmes gastro-intestinaux, le comportement de l’enfant s’améliore.

Transplantation fécale, jusqu’à 3 mois de traitement

Dans leur étude, des chercheurs de l’Arizona State University aux États-Unis ont pu montrer les effets bénéfiques à long terme pour les enfants atteints de TSA grâce à une technique révolutionnaire appelée Microbiota Transfer Therapy (MTT), un type spécial de transplantation fécale. Le MTT, qui porte aussi le nom de transplantation de microbiote fécal, a été développé à l’origine par le gastro-entérologue australien Dr Thomas Borody. Ce médecin a découvert qu’il lui fallait 3 mois de MTT par jour pour traiter ses patients autistes, mais qu’il en est résulté une amélioration significative des symptômes gastro-intestinaux et de l’autisme. Dans le détail, le protocole de traitement du médecin australien, le même utilisé dans cette étude, consistait en 10 semaines de traitement, y compris un prétraitement à la vancomycine (antibiotique), un nettoyage intestinal, un médicament contre l’acidité gastrique et un transfert de microbiote fécal quotidien pendant sept à huit semaines.

Résultats positifs

Deux ans après le traitement (transplantation), la plupart des améliorations initiales des symptômes intestinaux sont demeurées. De plus, les parents ont signalé une lente réduction régulière des symptômes de l’autisme (TSA) pendant le traitement et au cours des deux années après. Un évaluateur professionnel a constaté une réduction de 45 % des symptômes de base du TSA (langage, interaction sociale et comportement) deux ans après le traitement, comparativement à avant le début du traitement. Le Prof. Krajmalnik-Brown de l’Université de l’État de l’Arizona (Arizona State University) et son équipe ont montré qu’en transférant un microbiote sain à des personnes dépourvues de certaines bactéries intestinales, il est possible de “donner” un ensemble plus diversifié de bactéries au patient et d’améliorer sa santé intestinale. En effet, le traitement par transplantation a considérablement augmenté la diversité microbienne et la présence de bactéries utiles dans l’intestin, comme les bifidobactéries et Prevotella. Après deux ans, la diversité était encore plus grande et la présence de microbes bénéfiques persistait. Le traitement a été généralement bien toléré avec un minimum d’effets indésirables.

Autisme : presque 50% des symptômes réduits après une transplantation fécale

Diminution importante

Au début de l’étude, 83% des participants étaient considérés comme autistes « graves », à la fin de l’étude (après 2 ans), seulement 17% des cas étaient encore considérés comme « graves », 39% étaient « légers/modérés » et 44% étaient sous le seuil pour les TSA légers.

Traitement à long terme

Une étude antérieure portant uniquement sur la vancomycine (un antibiotique) avait révélé des améliorations temporaires importantes des symptômes gastro-intestinaux et de l’autisme, mais les bienfaits ont été perdus quelques semaines après l’arrêt du traitement malgré l’utilisation de probiotiques en vente libre.

Méthode

Pour arriver à leurs résultats, l’équipe de chercheurs a comparé les différences dans le microbiome des enfants autistes par rapport aux enfants au développement typique. Au début de l’étude, ils ont constaté que les enfants autistes présentaient une plus faible diversité dans leurs microbes intestinaux respectifs et qu’ils étaient dépourvus de certaines souches de bactéries utiles, comme les bifidobactéries et Prevotella. « Les enfants autistes sont dépourvus de bactéries bénéfiques importantes et ont moins d’options dans le menu bactérien des fonctions importantes que les bactéries fournissent à l’intestin comparés aux enfants au développement normal », explique le Prof. Krajmalnik-Brown dans un communiqué de presse de l’étude publié en avril 2019.

Participants

Tous les participants à l’étude présentaient des symptômes gastro-intestinaux chroniques dès la petite enfance, y compris de la constipation chronique ou de la diarrhée chronique. Mais les bienfaits de ce traitement se sont étendus au-delà de leurs symptômes physiques comme on l’a vu ci-dessus. De nombreux participants à l’essai partageaient des traits communs, notamment la naissance par césarienne, la réduction de l’allaitement maternel, l’augmentation des antibiotiques et la faible consommation de fibres par la mère et l’enfant, ce qui limite la biodiversité des bactéries de l’intestin.

En savoir plus

Le travail effectué par les chercheurs de l’Université de l’État de l’Arizona ne consiste pas seulement à traiter les patients, mais aussi à tirer des enseignements du traitement afin de développer de meilleures formulations et d’optimiser le dosage. En raison notamment de la nature ouverte de l’étude et de la petite taille de l’échantillon utilisé (18 enfants souffrant d’autisme), d’autres recherches sont nécessaires.

Cette étude a été publiée le 9 avril 2019 dans le journal scientifique Scientific Reports (DOI : 10.1038/s41598-019-42183-0).

Formulation utilisée

La formulation de microbiote utilisée dans l’étude mentionnée ci-dessus a été développée à l’Université du Minnesota par Alexander Khoruts et Michael Sadowsky, qui ont mis au point des méthodes novatrices pour prélever des microbiote sur des donneurs sains et soigneusement sélectionnés, les purifier et les congeler. Ils ont concédé leur technologie sous licence à Finch Therapeutics, qui a fourni un soutien financier pour la fabrication du microbiote thérapeutique utilisé pour l’étude.

Le 11 avril 2019. Par Xavier Gruffat (pharmacien). Source : communiqué de presse de l’étude en anglais (traduite et adaptée par XG). Référence étude : Scientific Reports (DOI : 10.1038/s41598-019-42183-0). Crédit photos : © 2019 Pixabay

Plus d’informations sur les travaux de recherche en cours de l’Université de l’Etat de l’Arizona (en anglais) : autism.asu.edu

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Informations sur la rédaction de cet article et la date de la dernière modification: 11.04.2019
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