Les laboratoires de biotechnologie Biogen et Eisai ont affirmé le 27 septembre 2022 dans un communiqué de presse que leur traitement expérimental – le lécanémab (en anglais : lecanemab) – diminuait de façon significative la progression de la maladie d’Alzheimer. Biogen est un laboratoire américain du Massachusetts et Eisai est basé à Tokyo au Japon. Cette étude qui n’a pas encore été publiée dans un journal scientifique renforce la possibilité d’enregistrement du médicament. Comme son nom l’indique avec une terminaison en -mab, le lécanémab est un anticorps monoclonal. Ce médicament vise à combattre l’accumulation de plaques d’amyloïde-bêta dans le cerveau qu’on retrouve chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. La présence de ces plaques de petites protéines est considérée comme une cause probable de la maladie d’Alzheimer mais elle fait de plus en plus polémique parmi la communauté scientifique, certains pensent que c’est la cause et d’autres qu’il s’agirait davantage d’une conséquence. Alzheimer se caractérise notamment par un déclin cognitif progressif et irréversible. Le lécanémab n’est pas encore disponible sur le marché mais pourrait être enregistré par la FDA ces prochaines semaines et en 2023 dans d’autres régions du monde comme l’Europe et le Japon. Comme tous les traitements à base d’anticorps, l’administration se fait sous forme injectable.
Résultats, diminution de 27% du déclin cognitif
Selon ce communiqué de presse, le lécanémab a réduit de 27% le déclin cognitif et fonctionnel en comparaison avec des patients prenant un placebo sur une durée de 18 mois. Cette étude dite de phase 3 a été réalisée sur environ 1800 patients avec des symptômes débutants d’Alzheimer (en anglais : early stage). Le médicament était toutefois associé à des taux plus élevés de gonflements du cerveau et de petits saignements, même s’ils étaient rarement symptomatiques. Dans le groupe du médicament (lécanémab) 21,3% des patients ont expérimenté des gonflements du cerveau et/ou de petits saignements contre 9,3% dans le groupe placebo, c’est-à-dire qu’ils ont été observé par les scientifiques par des radios ou imageries du cerveau comme une IRM. Mais à la fin “seulement” 2,8% des patients traités avec le lécanémab ont expérimenté des symptômes en lien avec un gonflement cérébral et 0,7% des symptômes de saignement cérébral. Les deux entreprises devraient présenter leurs résultats plus complets dans une conférence sur Alzheimer à San Francisco à la fin novembre 2022 puis publier cette étude clinique de phase 3 dans un journal scientifique.
Biogen
Le laboratoire américain Biogen épingle avec le lécanémab un deuxième succès (certains pensent que le premier était plutôt un demi-succès) en deux ans contre cette affection neurodégénérative. Le laboratoire créé en 1978 à Genève avant d’émigrer outre-Atlantique avait créé l’émoi et la controverse à l’été 2021 avec l’homologation aux Etats-Unis de l’Aduhelm (aducanumab) contre Alzheimer, comme Creapharma.ch en avait parlé. En avril 2022, la puissante assurance d’état américaine Medicare avait refusé de rembourser l’Aduhelm de façon systématique. Signe des difficultés à mesurer l’efficacité du traitement, l’Agence européenne des médicaments (EMA) avait par contre rejeté en décembre 2021 la demande d’homologation déposée pour cette substance, découverte initialement par le laboratoire suisse Neurimmune et ciblant également les agrégats d’amyloïde-bêta.
Autres entreprises, mais aussi des échecs
Le laboratoire suisse Roche, l’un des 10 plus grands laboratoires pharmaceutiques au monde, travaille actuellement aussi à travers ses filiales sur un médicament au mécanisme d’action similaire, le ganténérumab. Roche dispose en outre d’un candidat supplémentaire reposant sur cette approche, avec le crénézumab, co-développé par sa filiale américaine Genentech et le laboratoire suisse AC Immune. Mais Roche et AC Immune ont reconnu en juin 2022 l’échec d’un volet de recherche clinique sur le crénézumab visant à prévenir l’apparition d’une forme héréditaire de la maladie au sein d’une population prédisposée. Le laboratoire américain Eli Lilly travaille aussi actuellement sur un anticorps monoclonal contre Alzheimer appelé donanemab.
« Hypothèse amyloïde »
De plus en plus de chercheurs remettent en cause « l’hypothèse amyloïde ». Suite à de nombreuses autopsies de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, personne ne remet en cause l’accumulation de ces plaques d’amyloïde dans le cerveau de patients atteints de la maladie. Mais pour simplifier, ces plaques d’amyloïde pourraient être plutôt la conséquence que la cause de la maladie d’Alzheimer. Cette nouvelle étude de phase 3 avec le lécanémab semble toutefois apporter quelques arguments aux adeptes de « l’hypothèse amyloïde », comme cause principale de la maladie. C’est en tout cas la vision du CEO d’Eisai le Japonais Haruto Naito qui pense que les plaques d’amyloïde sont l’une des principales causes d’Alzheimer, comme le relevait le Wall Street Journal le 27 septembre 2022. Dans le monde, plus de 55 millions de personnes ont la maladie d’Alzheimer1.
Le 29 septembre 2022. Par Xavier Gruffat (pharmacien). Sources : Keystone-ATS (avec notre partenaire Pharmapro.ch qui est client de cette agence suisse), The Wall Street Journal, communiqué de presse en anglais du lécanémab, Mayo Clinic, Reuters.
Références scientifiques et bibliographie :
- Article de la Mayo Clinic datant du 29 septembre 2022, site accédé par Creapharma.ch le 29 septembre 2022 et le lien marchait à cette date