Les antidépresseurs sont des médicaments qui permettent, comme son nom l’indique, de lutter contre la dépression (dépression nerveuse). Le premier antidépresseur, l’iproniazide, est apparu dans les années 1950. Cette molécule était à l’origine destinée à lutter contre la tuberculose, mais un “bonheur inapproprié” ou une certaine euphorie chez les patients utilisant ce médicament a donné l’idée aux scientifiques et médecins d’utiliser cette molécule pour soigner la dépression. En 2024, il existe désormais entre 30 et 40 antidépresseurs différents disponibles sur le marché. Découvrez 5 informations utiles sur cette classe de médicaments.
1. Médicaments très prescrits
Dans les pays occidentaux, environ 10% de la population adulte consomme des antidépresseurs1. En 2022, un article de l’Harvard Medical School estimait que près de 13% des adultes américains – dont deux tiers de femmes (voir aussi le point no 5) – prenaient des antidépresseurs. En 2020, en Suisse les antidépresseurs étaient de loin les médicaments le plus souvent délivrés dans la grande famille des psychotropes2 et parmi les antidépresseurs les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) comme le citalopram, l’escitalopram ou la fluoxétine étaient le sous-groupe d’antidépresseurs les plus consommés en Suisse en 2020 représentent près de 60% de tous les antidépresseurs délivrés. Aux Etats-Unis, en plus des ISRS, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline (IRSNa) comme la venlafaxine ou la duloxétine sont de plus en plus utilisés3. Les ISRS et les IRSNa ont tendance à avoir moins d’effets secondaires que les antidépresseurs plus anciens.
Au niveau mondial, le marché des médicaments antidépresseurs est évalué à environ 12 milliards de dollars par année, selon un article du New York Times paru en mars 2019.
2. Il faut être patient avant d’observer un éventuel effet
La plupart du temps, les antidépresseurs ne font pas effet immédiatement. Ces médicaments nécessitent souvent plusieurs jours (10 à 20 jours) pour que l’effet s’installe. Certaines sources parlent même de plusieurs semaines (1 à 2 mois4) avec que ces médicaments commencent véritablement à agir, s’ils agissent (voir le point 3). Restez donc patient et demandez conseil à votre pharmacien ou médecin si les effets sont trop importants ou au contraire trop faibles.
3. Les antidépresseurs sont efficaces chez peu de monde
Si on en croit une vaste étude publiée en août 2022 dans la revue médicale de référence BMJ (doi : 10.1136/bmj-2021-067606), seulement 15% des patients profitent d’un important effet antidépresseur en comparaison avec un placebo. Mais d’autres études comme STAR*D5 sont plus optimistes. Cette étude datant des années 2000 a constaté que 50% des participants voyaient leurs symptômes de dépression s’améliorer après la prise d’une première ou d’une deuxième molécule antidépressive. Et presque 70% des patients n’avaient plus de dépression après l’essai d’une éventuelle 4ème molécule. Autrement dit, si les symptômes ne s’améliorent pas après plusieurs mois, il est important que votre médecin change de molécule (médicament) jusqu’à trouver le bon traitement.
4. Arrêt des antidépresseurs, attention au sevrage
L’arrêt d’antidépresseurs n’est pas toujours sans conséquence, jusqu’à un tiers des personnes prenant ces médicaments souffrent d’un sevrage des antidépresseurs (en anglais on parle d’antidepressant discontinuation syndrome)6. Toutefois, une vaste étude allemande de l’Université de Cologne publiée en juin 2024 dans The Lancet Psychiatry (DOI : 10.1016/S2215-0366(24)00133-0) estime à 15% et non à environ 30% le nombre de personnes souffrant d’un sevrage à l’arrêt d’un antidépresseur. Le nombre de personnes avec des symptômes graves a été évalué par ces chercheurs de Cologne à 3%. Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont pris en compte 79 essais cliniques incluant 21’000 patients. Les symptômes de sevrage ou de manque d’antidépresseurs peuvent inclure des maux de tête, des vertiges, de la fatigue, de l’irritabilité, des nausées ou vomissements, des rêves vifs ou ressentir des symptômes comme la grippe. Ce ne sont pas directement les antidépresseurs qui sont addictifs, mais ces médicaments perturbent certains neurotransmetteurs comme la sérotonine dans le cerveau, c’est en tout cas l’hypothèse souvent avancée.
5. Les femmes sont de grandes consommatrices
Aux États-Unis environ une femme sur cinq, âgée de 40 à 59 ans, prend des antidépresseurs, alors que moins de 10% des hommes de la même tranche d’âge en prennent. Et environ 1 femme sur 4 âgée de 60 ans ou plus prend des antidépresseurs contre environ 1 sur 10 pour celles âgées de 18 à 39 ans. Comme on peut le constater, ce sont surtout les femmes d’âge moyen qui commencent à prendre des antidépresseurs. Ces statistiques récoltées aux États-Unis proviennent des National Center for Health Statistics et concernent des personnes ayant consommé des antidépresseurs dans les 30 derniers jours entre 2015 et 2018. On sait que la ménopause augmente le risque de souffrir de dépression. Lire davantage à ce sujet
Mise à jour le 1er juillet 2024. Par Xavier Gruffat (pharmacien). Infographie : Creapharma.ch (Pharmanetis Sàrl). Crédit photo : Adobe Stock.
Références scientifiques et bibliographie :
- Magazine The Economist, édition du 14 janvier 2023
- Observatoire suisse de la santé (Obsan), bulletin publié en avril 2022. Obsan Bulletin « Les médicaments psychotropes en Suisse »
- The New York Times, via O Estado de S.Paulo du 1er juillet 2024
- The New York Times, via O Estado de S.Paulo du 1er juillet 2024
- Voir étude portant sur STAR*D – Sinyor M, Schaffer A, Levitt A. The Sequenced Treatment Alternatives to Relieve Depression (STAR*D) Trial: A Review. The Canadian Journal of Psychiatry. 2010;55(3):126-135. doi:10.1177/070674371005500303
- Newsletter de la Mayo Clinic, Mayo Clinic Health Letter, page 8, édition de novembre 2021, article consacré justement à l’arrêt des antidépresseurs