Kétamine (et eskétamine)
La kétamine est une molécule appartenant au groupe des anesthésiants. En plus de son pouvoir anesthésiant, elle possède aussi des effets antidouleur (calmant), psychotrope et antidépresseur. La kétamine est administrée en médicament sous forme injectable, soit en intraveineux ou intramusculaire. En anesthésie la kétamine est utilisée au début et pour le maintien de la narcose.
Noms
Nom de la molécule :
Kétamine (remarque : l’eskétamine est le s-enantiomère de la kétamine, lire aussi ci-dessous).
Synonymes :
Ketaminum, ketamini hydrochloridum, hydrochlorate de kétamine
Enantiomère :
Eskétamine (en anglais : esketamin), il s’agit d’un dérivé de la kétamine, un s-enantiomère de la molécule. L’eskétamine est notamment indiqué pour les cas de dépression graves (plus d’informations à ce sujet).
Formule chimique :
Formule de la molécule kétamine : C13H16ClNO
Remarque :
La kétamine est un mélange de deux énantiomères (molécules à image miroir).
Effets – indications
Effets :
– Anesthésiant, antidouleur (calmant), psychotrope, antidépresseur, hallucinogène
Remarque : les effets de la kétamine sont notamment basés sur l’antagonisme des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA).
Indications :
– Anesthésie (au début et pour le maintien de la narcose)
– Dépression grave ou sévère (surtout sous forme de s-enantiomère, indiqué notamment lors de dépression grave résistante aux autres médicaments)
Remarque sur l’effet anti-dépresseur de la kétamine :
Des études ont montré qu’une seule perfusion de kétamine à dose subanesthésique unique (une dose plus faible que celle qui causerait l’anesthésie) peut souvent soulager rapidement les symptômes dépressifs en quelques heures chez les personnes qui n’ont pas répondu aux antidépresseurs classiques, qui prennent habituellement des semaines ou des mois à agir.
Effets secondaires
Les 3 effets secondaires les plus fréquents sont : augmentation du rythme cardiaque, augmentation de la tension sanguine (hypertension) et éveils.
D’autres effets secondaires sont notamment des troubles digestifs, une augmentation de la salivation, des constrictions respiratoires, des réactions locales au site d’injection, etc.
Rarement, une réaction d’hypersensibilité ou un trouble du rythme cardiaque peuvent survenir.
En cas d’injection trop rapide de kétamine, une dépression respiratoire est possible.
Effets secondaires de la kétamine indiquée lors de dépression :
Dans une étude publiée online le 10 novembre 2019 dans le journal Journal of Affective Disorders (DOI : 10.1016/j.jad.2019.11.028), des chercheurs des National Institutes of Health américains ont constaté qu’une seule perfusion de kétamine à faible dose était relativement exempte d’effets secondaires chez les patients souffrant de dépression résistante au traitement. Les chercheurs ont compilé des données sur les effets secondaires de 163 patients atteints d’un trouble dépressif majeur ou d’un trouble bipolaire majeur et de 25 témoins sains qui ont participé à l’un des cinq essais cliniques contrôlés par placebo menés au NIH Clinical Center pendant 13 ans. L’étude n’a pas abordé les effets secondaires associés aux perfusions de kétamine répétées ou à l’utilisation à long terme. Sur les 120 effets secondaires possibles évalués, 34 ont été associés de façon significative au traitement. Huit se sont produits chez au moins la moitié des participants : sensation d’étrangeté, de bizarrerie ou d’étrangeté, sensation d’espace (en anglais feeling spacey), sensation d’étourdissement ou d’engourdissement, dissociation, flottement, distorsions visuelles, difficulté à parler et engourdissement. Aucun effet secondaire n’a duré plus de quatre heures. Au cours d’un suivi de trois mois, on n’a observé aucun effet indésirable grave lié à la kétamine, aucun état de manque, aucune propension à l’usage récréatif ou aucun déficit cognitif ou de mémoire important.
Contre-indications
– Hypersensibilité, hypertension non traitée et mal contrôlée, prééclampsie et éclampsie chez les patients présentant un risque d’hypertension, hyperthyroïdie non traitée ou mal traitée. Pour plus d’informations veuillez lire la notice d’emballage ou demandez conseil à un spécialiste (ex. pharmacien, médecin).
Interactions
– Anesthésiques, somnifères, relaxants musculaires, aminophylline, hormones thyroïdiennes et halothane, comme le résume le site suisse Pharmawiki.ch. Pour plus d’informations veuillez lire la notice d’emballage ou demandez conseil à un spécialiste (ex. pharmacien, médecin).
Noms de marque originale et génériques
En Suisse :
– Ketalar® et génériques (à base de kétamine)
– Spravato® (à base d’eskétamine, sous forme intranasale)
Remarque : l’administration d’eskétamine doit impérativement se faire
sous la supervision d’un médecin et dans un lieu doté d’un équipement de
réanimation cardiopulmonaire1.
Sous quelle forme (formes galéniques) ?
La kétamine est administrée en médicament sous forme injectable, soit en intraveineux ou intramusculaire.
L’eskétamine peut être administrée sous forme intranasale (grâce à un spray).
Remarques
– La kétamine est aussi utilisée pour son effet hallucinogène lors de fêtes. Il est connu dans le milieu de la nuit sous le nom de “Special K”. Comme le dextrométhorphane, la kétamine conduit à une dissociation (out-of-body-experience), c’est-à-dire à une séparation subjective du corps et de l’esprit.
– La kétamine est un vieux médicament qui n’a plus de brevet (il existe des génériques).
Kétamine contre la dépression et pensées suicidaires :
– La kétamine peut aussi être utilisée contre la dépression. Le psychiatre américain Dr Carlos Zarate a fait des expériences positives avec cette molécule pour lutter contre la dépression. La kétamine agit sur la régulation du neurotransmetteur glutamate. Un déséquilibre du niveau de glutamate dans le cerveau est associé à la dépression. Des centaines de cliniques et universités à travers le monde utilisent la kétamine contre la dépression grave ou réfractaire aux autres médicaments, dans ce cas la kétamine est utilisée sous forme injectable et non pas en spray nasal.
– Une étude publiée online le 5 décembre 2017 dans le journal scientifique American Journal of Psychiatry (DOI : 10.1176/appi.ajp.2017.17060647) a montré que la kétamine permettait de diminuer les pensées suicidaires. Des antidépresseurs classiques peuvent aussi diminuer les pensées suicidaires mais ils mettent souvent plusieurs semaines avant d’agir, c’est pourquoi la kétamine semble être une alternative intéressante.
– En 2017, une équipe du département de pharmacie de l’Université de Californie à San Diego a analysé une banque de données de la FDA (FDA Adverse Effect Reporting System) de patients souffrant de symptômes de dépression et prenant de la kétamine pour lutter contre la douleur. Les scientifiques californiens ont découvert que la dépression était 2 fois moins fréquente parmi les 41’000 patients prenant de la kétamine, en comparaison avec les patients qui ont pris un autre médicament ou un ensemble de médicaments contre la douleur. Comme le rapporte les chercheurs de San Diego dans un communiqué de presse de l’étude en mai 2017, la kétamine est une molécule plutôt bon marché. Cette étude a été publiée le 3 mai 2017 dans le journal scientifique Scientific Reports.
– Une étude australienne publiée en juin 2017 dans la revue scientifique American Journal of Geriatric Psychiatry a montré que la kétamine était efficace chez des personnes dépressives âgées de 60 ans ou plus qui ne réagissaient pas à d’autres types de traitement contre la dépression. L’étude comprenait 16 participants, 14 ont terminé la procédure. Sur ces 14 participants, les chercheurs ont noté que 7 étaient en rémission après un traitement à la kétamine et 5 avec des doses de kétamine inférieures à 0,5mg/kg. Il s’agissait d’une étude en double aveugle, contrôlée, avec multiple-croisement et un suivi de 6 mois.
Avis critique (revue Prescrire)
Début 2021, la revue française de référence pour son objectivité Prescrire déconseillait l’utilisation de l’eskétamine en solution pour pulvérisation nasale (Spravato®). La reuve Prescrire écrit cela : l’eskétamine a une efficacité très incertaine dans les dépressions dites résistantes. Ses effets indésirables neuropsychiques sont fréquents, dont des syndromes de dissociation. Des addictions et des détournements d’usage sont à prévoir. Dans cette situation clinique difficile, il est plus prudent d’envisager d’autres options moins dangereuses, même si leur efficacité clinique est incertaine : commencer une psychothérapie ; augmenter la posologie de l’antidépresseur initial ; changer de groupe pharmacologique d’antidépresseur ; ajouter un neuroleptique dit atypique ; pratiquer une électroconvulsivothérapie (alias électrochocs). Le choix repose alors essentiellement sur le profil d’effets indésirables2.
News (actualités)
– Nouvel antidépresseur en spray nasal autorisé aux Etats-Unis (2019)
Sources & Références :
Sources :
– Keystone-ATS, The New York Times, communiqué de presse de la FDA, Pharmawiki.ch, creapharma.ch, magazine Veja, The Economist, i.m@ilOffizin (journal de l’université de Bâle, Suisse), Prescrire.
Références bibliographiques (études) :
– American Journal of Psychiatry (DOI : 10.1176/appi.ajp.2017.17060647)
– Current Drug Targets (10.2174/138945005774574533)
– Comprehensive assessment of side effects associated with a single dose of ketamine in treatment-resistant depression. Acevedo-Diaz EE, Cavanaugh GW, Greenstein D, Kraus C, Kadriu B, Zarate CA Jr, Park LT. https://doi.org/10.1016/j.jad.2019.11.028, Nov. 10, 2019, Journal of Affective Disorders.
Crédits photos/Adobe Stock :
Fotolia.com, Wikipedia.org (crédit photo de la molécule)
Rédaction :
Xavier Gruffat (pharmacien)
Dernière mise à jour :
10.01.2021
Références scientifiques et bibliographie :
- i.m@ilOffizin, août 2020
- Lien PDF de Prescrire datant de décembre 2020, au 10 janvier 2021 – date de mise à jour de cette rubrique, le lien marchait