ZOUG – Le Lipitor, qui est le nom de marque aux Etats-Unis d’un célèbre traitement anti-cholestérol (nom de marque en France Tahor et en Suisse Sortis), est le médicament qui aura généré le plus grand chiffre d’affaires de l’histoire de la médecine et de la pharmacie.
Le Lipitor est un médicament à base de la molécule atorvastatine, de la famille des statines, qui appartient au plus grand laboratoire pharmaceutique au monde (en tout cas à la date de l’écriture de ce blog, fin 2011), l’Américain Pfizer.
Selon le site Internet de la Harvard Business School (E.U.) le Lipitor aura généré depuis son acquisition par Pfizer à la société Warner-Lambert en l’an 2000 un chiffre d’affaires vertigineux de 131 milliards de dollars. Cela fait plus de 12 milliards de chiffre d’affaires par an pendant ces 11 ans. Pour comparaison, on estime le chiffre d’affaires global et mondial de l’industrie pharmaceutique à environ 800 milliards de dollars par an. Le Lipitor représente alors un peu plus de 1% du chiffre d’affaires global de cette industrie, un véritable « mega-blockbuster » pour employer un terme également utilisé dans l’industrie cinématographique, principalement à Hollywood (« Titanic » étant par exemple LE film blockbuster par excellence).
D’un point de vue pharmacologique le Lipitor, un inhibiteur de l’HMG-CoA-réductase, réduit les taux trop élevés de cholestérol total. On sait qu’un excès de (mauvais) cholestérol comme le cholestérol-LDL peut avoir un effet néfaste sur le système cardio-vasculaire (infarctus du myocarde, AVC, etc). Les causes d’un excès de mauvais cholestérol peuvent être héréditaires mais aussi provoquées par une mauvaise alimentation et un manque d’exercice. Le fait qu’aux Etats-Unis (pays de loin le plus rentable pour l’industrie pharmaceutique) le fast-food est particulièrement développé explique très probablement pourquoi le Lipitor a acquis cette place de numéro un mondial des médicaments.
La fin de l’histoire !
Comme la plupart des produits ou services à succès, il y a en général une fin de l’histoire, on parle aussi de cycle de produit en marketing. Bien sûr il y a des exceptions comme Coca-Cola qui année après année arrive à rester très rentable, mais comme vous le savez probablement la société de soda d’Atlanta investit massivement en marketing et innove dans ce domaine.
L’industrie pharmaceutique obéit à une logique un peu différente que Coca-Cola, bien que le marketing soit essentiel pour le lancement d’un nouveau médicament et sa distribution. La durée de vie d’un médicament pour sa rentabilité est définie par son brevet. En effet une molécule (ici atrovastatine, molécule du Lipitor) reçoit une licence (brevet) pour 20 ans depuis le jour de sa découverte. Comme il faut 10 ans en général pour effectuer tous les tests cliniques alors la commercialisation sans concurrent (génériques) dure environ 10 ans. Et l’heure a sonné pour Pfizer, le 30 novembre 2011 le brevet (patent en anglais) principal du Lipitor va expirer aux Etats-Unis et ce sera la porte d’entrée pour les génériques. De nombreux laboratoires pharmaceutiques de génériques vont attaquer frontalement les ventes du Lipitor en abaissant massivement le prix, le célèbre médicament de Pfizer va donc voir ses ventes fortement diminuer, probablement à moins d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires par an.
L’avenir
Comme le Lipitor représentait certaines années environ 25% du chiffre d’affaire de la société Pfizer, cette dernière devra innover en découvrant de nouveaux médicaments (c’est évidemment déjà le cas vu que découvrir un nouveau médicament prend environ 10 ans et des molécules sont proches de la commercialisation). Très probablement la belle époque pour cette industrie de « mega-blockbuster » comme le Lipitor est terminée pour laisser la place à des médicaments innovants mais avec des chiffres d’affaires bien inférieurs menant à des médicaments ciblés et donc forcément réservés à un plus petit groupe de personnes. Pfizer, tout comme les grands autres laboratoires pharmaceutiques américains (Merck), suisses (Roche et Novartis), français (Sanofi) ou britanniques (GSK, Astro) devront davantage diversifier leur pipe-line pour éviter à l’avenir qu’un seul médicament comme le Lipitor représente jusqu’à 25% de leurs revenus. Un risque probablement beaucoup trop élevé.
Novembre 2011, mis à jour en mai 2013
Par Xavier Gruffat
Pharmacien
Editeur de Creapharma – Pharmanetis Sàrl