CAMBRIDGE (MASS.) – Des chercheurs du célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont mis au point un moyen d’utiliser des capteurs de dioxyde de carbone (CO2) pour aider à estimer le risque de contamination de la Covid-19 et d’autres maladies transmises par l’air en temps quasi réel. Les résultats ont été publiés le 4 octobre 2021 dans la revue Flow : Applications of Fluid Mechanics (DOI : 10.1017/flo.2021.10). Mesurer le CO2, c’est peu relever la quantité de particules – les aérosols – expulsées par une personne qui tousse, parle, chante ou respire profondément, comme l’expliquait France Info en septembre 2021. Plus il y a de CO2 dans une pièce, plus cela veut dire que l’air est mal renouvelé, et donc que le risque de contamination à la Covid-19 est présent si une personne positive est dans la pièce.
Outil de prédiction
D’après leurs études cette méthode pourrait permettre de suivre l’évolution du risque de transmission dans les espaces intérieurs tels que les écoles et les bureaux, mais également de jeter les bases des systèmes de surveillance de la qualité de l’air dans le futur. Ces capteurs aideraient aussi à prédire les taux de transmission de maladies transmises par voie aérienne, comme la Covid-19 ou la grippe saisonnière. Il sera ainsi possible de régler les systèmes de ventilation de façon à ajuster l’air à l’intérieur des bâtiments afin de maintenir le risque de transmission à un faible niveau. La recherche s’appuie sur les travaux des mêmes auteurs, publiés plus tôt cette année, qui ont fourni un guide sur le risque de transmission par voie aérienne dans différents environnements intérieurs. À l’aide de données provenant d’événements de “super-épandage”, ils ont produit un modèle mathématique qui a estimé le temps moyen nécessaire pour être infecté lorsqu’on partage un espace avec une personne atteinte de la Covid-19.
Plusieurs paramètres
À partir de ce modèle, ils ont élaboré des lignes directrices en matière de sécurité, qui fixent des limites au temps passé dans des espaces partagés et qui sont ajustées par des facteurs tels que la taille de la pièce, le nombre de personnes infectées et sensibles, ce qu’elles font et si la ventilation et les masques sont utilisés.
Outil de mesure simple et facilement accessible
Les auteurs, Martin Z. Bazant, professeur d’ingénierie chimique et de mathématiques appliquées, et John W. M. Bush, professeur de mathématiques appliquées, ainsi que leurs co-auteurs Ousmane Kodio, Alexander E. Cohen, Kasim Khan et Zongyu Gu, expliquent qu’ils sont désormais en mesure d’exprimer la même consigne de sécurité en termes de concentration de gaz carbonique dans l’air, un paramètre qui peut être facilement mesuré à l’aide de capteurs simples et facilement accessibles.
Selon les chercheurs, il existe des preuves irréfutables que le virus responsable de la Covid-19 se propage principalement par des gouttelettes en suspension dans l’air, expirées par des personnes infectées. La mesure du CO2 permet de déterminer la quantité d’air expiré et la vitesse à laquelle il est éliminé par la ventilation.
Les travaux associent ces mesures à trois modèles qui étudient la dynamique des gaz, des aérosols infectieux – ces gouttelettes porteuses de virus – et la transmission des maladies. Ils soulignent que les concentrations de CO2 et d’agents pathogènes en suspension dans l’air ne sont pas strictement liées, car la quantité de virus dans l’air est affectée par un certain nombre de facteurs, notamment l’utilisation de masques.
Prise en compte d’autres variables
Leur modèle tient donc compte d’autres variables qui incluent non seulement les masques, mais aussi la ventilation, l’utilisation de filtres à air, les niveaux d’activité et le nombre de personnes susceptibles d’être infectieuses ou susceptibles d’être infectées à différents stades d’une pandémie. Au total, plus de 40 paramètres alimentent le modèle et produisent une estimation de la quantité de virus présente, et donc du risque d’infection, en temps quasi réel.
Cette estimation est exprimée sous la forme d’un nombre de reproduction à l’intérieur, qui représente la facilité avec laquelle le virus est transmis aux autres, en supposant qu’un certain nombre de personnes infectieuses se trouvent dans la pièce. Ce chiffre évolue dans le temps et est utilisé par les chercheurs comme une mesure de sécurité : si ce chiffre reste inférieur à un certain niveau, les personnes peuvent continuer à partager un espace.
Respiration des personnes
Pour simplifier, le modèle suppose que la principale source de gaz carbonique dans une pièce est la respiration des personnes et que l’air est « bien mélangé », ce qui signifie que la concentration de CO2 est la même partout dans la pièce. Bien qu’il puisse y avoir des exceptions à cette hypothèse, par exemple lorsque quelqu’un éternue, les chercheurs affirment qu’elle est étayée par des données issues de simulations informatiques et d’événements réels et qu’elle devrait être particulièrement efficace lorsque les occupants de la pièce sont masqués.
Ils ont notamment effectué deux démonstrations au MIT – l’une dans un petit bureau avec deux occupants, et l’autre dans un amphithéâtre avec 12 personnes. Les concentrations de CO2 ont été contrôlées, ainsi que le nombre de personnes et le fait qu’elles parlaient ou se déplaçaient.
Impact significatif du port de masques
Les démonstrations ont montré qu’il était possible de suivre un nombre théorique de reproduction et ont également mis en évidence les facteurs qui augmentent ou réduisent le danger. Parmi ces facteurs, citons l’impact du port de masques, qui augmente considérablement le temps pendant lequel des personnes peuvent partager un espace sans que le nombre reproductif ne dépasse la limite de sécurité. La filtration a également augmenté le temps nécessaire pour dépasser les limites de sécurité, mais dans une bien moindre mesure.
Les chercheurs reconnaissent que les hypothèses formulées et les incertitudes concernant de nombreux paramètres du modèle, tels que la concentration du virus dans les gouttelettes d’air et la sensibilité relative des différents groupes à l’infection, limitent la précision de leurs recommandations. Ils espèrent que ces incertitudes se réduiront au fur et à mesure de l’analyse des données relatives aux événements réels de propagation.
Le professeur Bazant affirme que la surveillance du CO2 est utilisée depuis des décennies pour évaluer la qualité du traitement de l’air dans les bâtiments. Elle peut maintenant être réorientée pour évaluer le risque de transmission de maladies par voie aérienne à l’intérieur des bâtiments, notamment de la Covid-19.
Références & Sources :
Communiqué de presse de l’étude (en anglais) du Massachusetts Institute of Technology (MIT), Flow : Applications of Fluid Mechanics (DOI : 10.1017/flo.2021.10), France Info.
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Seheno Harinjato (rédactrice chez Creapharma.ch, responsable des infographies), rédaction Creapharma.ch
Date de dernière mise à jour du dossier :
06.10.2021
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