Cas et décès de la Covid-19 à Manaus au Brésil – Echec de l’immunité collective (2021)
Cette page est consacrée aux cas et décès liés à la Covid-19 dans la ville de Manaus (photo ci-dessous), capitale de l’état de l’Amazonas au Brésil. Le 22 janvier 2021, une étude a montré que 42% des cas de Covid-19 à Manaus provenaient du nouveau variant du virus, dit aussi variant brésilien, amazonien ou variant P.1 (variant de lignée B.1.1.28.1)1. Le 14 février 2021, nous n’avions pas à disposition des informations plus récentes sur le pourcentage de variants à Manaus.
Pourquoi un tel dossier ou article spécifique à Manaus ?
Dans cette ville d’environ 2,2 millions d’habitants, très isolée du reste du pays et du monde, même s’il y a un aéroport international, il a été montré qu’une immunité collective a été atteinte courant 2020 (lire ci-dessous), soit plus de 75% de la population qui a développé des anticorps contre le virus à l’origine de la Covid-19.
Le problème est que début 2021, la ville était, selon le journal brésilien O Estado de S. Paulo du 15 janvier 2021 et plusieurs autres médias de référence, dans un véritable chaos avec un nombre très élevé d’hospitalisations et de décès. Les hôpitaux étaient débordés de patients le 14 janvier 2021. Une pénurie d’oxygène a aussi été signalée. Un mois après, le 15 février 2021, la situation était moins grave mais le nombre de morts du 1er janvier 2021 au 14 février 2021 à Manaus était de 3572. Par comparaison, pendant toute l’année 2020 il y a eu au total 3380 morts à Manaus.
Nombre de cas et morts de Covid-19 :
– Le 15 février 2021 on a appris par la Folha de S.Paulo que la ville de Manaus représente environ 1% de la population brésilienne mais comptait pour plus de 8% des décès de la Covid-19 au Brésil.
– Un médecin spécialiste en infectiologie, Dr João Lima Assy, qui travaille en pleine Amazonie brésilienne dans la ville de Santarém (état du Pará, à environ 700 km de Manaus), expliquait dans un article publié le 15 février 2021 sur le site UOL.com.br que la majorité des patients internés dans son hôpital était des cas de réinfection.
– Le 11 février 2021, le ministre de la santé brésilien Eduardo Pazuello a affirmé que la situation à Manaus était en train d’être maîtrisée.
– A Manaus, du 1er janvier 2021 au 22 janvier 2021 il y a eu 1419 morts causés par la Covid-19, soit environ 0,6 pour mille de la population. Par comparaison, le 26 janvier 2021 la Covid-19 avait fait 217’664 morts dans tout le Brésil, pays de 210 millions d’habitants, soit environ 1 pour mille de la population2. Autrement dit, en 1 mois (par règle de trois) la pandémie à Manaus a provoqué presque autant de morts que de mars à janvier 2021 au Brésil, soit sur 11 mois.
– A Manaus le 20 janvier 2021 (selon UOL.com.br), par période de 24h : un peu plus de 2150 cas (43% des cas de l’état d’Amazonas). Il y avait 5009 cas le 20 janvier 2021 en 24h dans l’état d’Amazonas (Manaus en est la capitale).
Immunité collective (76%)
Une étude publiée fin septembre 2020 sur le site medRxiv (en pre-print, avant une publication dans un journal officiel) montrait à travers un modèle mathématique que 66% de la population de Manaus possèderait des anticorps contre le SARS-CoV-2 à l’origine de la Covid-19. Une autre étude, publiée le 8 décembre 2020 dans la revue scientifique Science (DOI : 10.1126/science.abe9728) est venu appuyer cette théorie en parlant d’un chiffre encore plus élevé de la population de la ville infectée, de 76%3.
Immunité collective, oui mais…
Pendant les 2 premières semaines de 2021, un nombre très élevé de patients et décès a été constaté à Manaus. Selon le journal O Estado de S. Paulo du 15 janvier 2021, c’est la souche dite “anglaise”, par la suite renommée en “brésilienne” ou “amazonienne” qui serait responsable de ces décès. L’immunité collective ne semble tout simplement pas marcher, sinon Manaus compterait un nombre très peu élevé d’hospitalisations et de décès en 2021.
Cela remet fortement en cause la stratégie de l’immunité collective non vaccinale3. Pour le moment toutefois, la stratégie de vaccination n’est pas remise en cause (explications ci-dessous).
Plus rapide, plus grave et mortelle parmi les jeunes
La maladie avec cette nouvelle souche “brésilienne” serait plus mortelle que la souche circulant jusqu’à présent en majorité, surtout cette souche toucherait beaucoup plus des personnes jeunes comme de moins de 60 ans (40% des décès – 710 au total – par le coronavirus ces 30 derniers jours à Manaus ont touché des personnes de moins de 60 ans, y compris des bébés) et l’atteinte des poumons serait rapide en passant plus inaperçue (il faut un scanner pour voir les dégâts pulmonaires et plus une simple auscultation pulmonaire). Ces informations proviennent d’un journaliste de la Folha de São Paulo (et Uol), journal de référence, qui s’est rendu aux urgences à Manaus sur plusieurs jours et a pu récolter des témoignages. L’aggravation de la maladie au niveau pulmonaire est aussi plus rapide en 5 jours environ contre environ 10 jours avec la souche classique, toujours selon des informations provenant des urgences à Manaus.
Sur le site Internet UOL.com.br, l’infirmière et enseignante Ana Paula Rocche estime que “le virus n’est plus le même”. Elle signale que la baisse de la saturation en oxygène des patients se produit beaucoup plus rapidement et silencieusement. “Le patient commence le premier jour avec un mal de gorge ; puis il ressent un mal de tête ; le troisième jour, il commence déjà à avoir de la fièvre, mais le quatrième jour, il commence à avoir un essoufflement, et quand on lui met un oxymètre, la saturation qui était censée être à 98% est de 70% à 75%. Ce n’est pas normal. C’est une chose extrêmement grave qui attaque les voies respiratoires et les poumons, et trop discrètement”, souligne-t-elle.
Selon un article paru le 22 janvier 2021 sur le site UOL.com.br, 42% des cas de Covid-19 provenaient du nouveau variant du virus, dit aussi variant brésilien. Le 26 janvier 2021, la Folha de S.Paulo estimait que la majorité des cas de Covid-19 à Manaus sont désormais de la nouvelle souche brésilienne.
Les vaccins pourraient marcher contre cette nouvelle souche ?
Vision optimiste :
Un article de Yahoo Actualités publié à ce sujet le 15 janvier 2021 amène des explications plutôt optimistes en ce qui concerne le vaccin contre la Covid-19, à la différence du concept d’immunité collective non vaccinale. Pour résumer, les spécialistes interrogés par Yahoo estiment en se basant sur au moins une étude réalisée en Italie que les vaccins contre la Covid-19 protègent contre la protéine S (Spikes Proteins) qui est commune à toutes les variantes du coronavirus. Les anticorps générés par le vaccin sont contre la protéine S du nouveau coronavirus. Le problème est que lorsqu’on attrape la maladie naturellement, les anticorps ne sont pas toujours spécifiques à la protéine S et d’autres variants peuvent donc nous infecter ou réinfecter. Au 15 janvier 2021, tout indique que la stratégie vaccinale est la bonne.
Cela dit, les anticorps développés contre la première souche de façon naturelle ne semblent pas marcher car un journaliste de UOL.com.br signale le cas d’une deuxième infection par cette souche 9 mois après la première infection (en mars 2020). Le journal de France 2 a aussi suggéré cette hypothèse le 18 janvier 2021.
Vision pessimiste :
La nouvelle variante du virus pourrait devenir particulièrement fréquente là où une plus grande proportion de la population est déjà supposée être immunisée, selon le biologiste Jesse Bloom du Fred Hutchinson Cancer Research Center à Seattle (Etats-Unis). En raison de ces mutations, on craint que cette variante brésilienne du Sars-CoV-2 puisse infecter une seconde fois même les personnes qui ont déjà porté le virus ou qui devraient être protégées par un vaccin – le système immunitaire ne reconnaissant plus l’agent pathogène, selon le site allemand Spektrum.de. Pour ce média allemand, ce serait une nouvelle catastrophique pour la lutte mondiale contre la pandémie, dans laquelle l’immunité est minutieusement construite à l’aide de vaccins. Le variant de Manaus modifie une partie spécifique d’une protéine qui peut neutraliser les anticorps dirigés contre le Sars-CoV-2, selon le scientifique brésilien Fernando Spilki.
Comme on l’a vu ci-dessus, la majorité des personnes hospitalisées pour la Covid-19 dans la ville de Santarém (état du Pará) sont des cas de réinfection.
Creapharma.ch va continuer d’accompagner la situation à Manaus, en lisant notamment en portugais les grands journaux et médias brésiliens, qui nous donnent des pistes intéressantes sur la Covid-19.
Le 15 févier 2021 (mise à jour de certains éléments de la page, pas tous). Par Xavier Gruffat (pharmacien). Sources : Folha de S.Paulo, UOL.com.br, O Estado de S. Paulo, Yahoo.fr, 20 Minutes Suisse, Spektrum.de.
Crédit photo : Xavier Gruffat (photo personnelle). Relecture : Seheno Razanamanga (Rédactrice chez Creapharma.ch)
Références scientifiques et bibliographie :
- UOL.com.br, le 22 janvier 2021
- News UOL, AFP du 24 janvier 2021
- Yahoo.fr, article du 15 janvier 2021, accédé le même jour