Article mis à jour le 13 février 2021
Depuis le début de la pandémie fin 2019 et surtout début 2020, des scientifiques se demandent si la vitamine D – la “vitamine du soleil” – peut jouer un rôle favorable contre la Covid-19 autant en prévention qu’en traitement. En mars 2020, un article du journal italien grand public de référence La Repubblica parlait d’un rôle favorable de la vitamine D, notamment chez les patients à risque de complications de la Covid-19. En France le 19 janvier 2021 73 médecins spécialistes et six associations de médecins appellent «à supplémenter l’ensemble de la population française en vitamine D» de façon préventive, estimant que de nombreuses données scientifiques montrent que cela «pourrait contribuer à réduire l’infection» par le coronavirus, comme le relevait Le Figaro le 19 janvier 2021. «40% à 50% de la population française» présente une insuffisance en vitamine D, «et plus encore chez les personnes à risque de formes graves de Covid-19», rappelle le texte. En Allemagne, comme on le verra en fin de cet article, la Société allemande de nutrition est particulièrement critique envers l’utilisation de la vitamine D contre la Covid-19.
Ces derniers mois de nombreuses études à travers le monde ont été publiées sur la vitamine D et la Covid-19. On se rappelle aussi que Donald Trump, malade en octobre 2020, avait reçu parmi ses traitements de la vitamine D. Des études d’observation publiées par le passé ont fait état d’une association entre de faibles taux de vitamine D et la sensibilité aux infections aiguës des voies respiratoires. La vitamine D module, en effet, la réponse des globules blancs, les empêchant de libérer trop de cytokines inflammatoires. Et justement, le virus Covid-19 est connu pour provoquer un excès de cytokines pro-inflammatoires. Mais selon les autorités américaines, les preuves provenant des études publiées utilisant la vitamine D pour traiter ou prévenir la Covid-19 n’était pas concluantes en tout cas en novembre 2020 même si certaines études sont prometteuses (lire ci-dessous), comme le résume le Wall Street Journal dans un article publié le 3 novembre 2020.
Vitamine D
La vitamine D est en fait davantage une hormone (complexe) ou même une pro-hormone qu’une vitamine. La vitamine D3 (cholécalciférol) a été enregistrée aux Etats-Unis en 1935 par la FDA, l’agence de régulation des médicaments américaine. Il existe 2 formes principales de la vitamine D non active : la vitamine D3 (cholécalciférol) d’origine animale et la vitamine D2 (ergostérol) d’origine végétale. On peut trouver de la vitamine D dans certains aliments comme les poissons ou les oeufs. La vitamine D peut être synthétisée au niveau de la peau sous l’effet des rayons UVB du soleil. Dans de nombreux pays, c’est la principale source de vitamine D. Pour la majorité des personnes, la synthèse de vitamine D par les rayons du soleil représente environ 80 à 100% des apports de vitamine D. En hiver ou lors de la saison froide (ex. automne), la production de vitamine D diminue fortement, d’où l’intérêt de prendre des compléments alimentaires de vitamine D. On estime que l’alimentation apporte environ 3 µg/j de vitamine D par jour, ce qui est insuffisant (on a besoin de plus de 10 µg/j, lire ci-dessous). Il faut savoir que presque la moitié des Américains souffrent d’une carence en vitamine D.
Action contre la Covid-19
On estime que la vitamine D régule la production d’une enzyme présente sur la membrane des cellules (ACE2), qui constitue le point d’entrée du coronavirus dans les cellules.
Quantité à consommer
Aux Etats-Unis, l’Institute of Medicine of The National Academies recommande de consommer chez les adultes âgés de moins de 70 ans 600 UI/jour (15 µg/j) de vitamine D et chez les adultes de plus de 70 ans 800 UI/jour (20 µg/j) de vitamine D. Les experts américains déconseillent de consommer plus de 4’000 UI (100 µg/j) par jour. Au Royaume-Uni, la dose quotidienne par jour de vitamine D est de 10 µg.
Cause à effet ? Prévention
Comme souvent en médecine, il s’agit de prouver une relation de cause à effet, ici entre la vitamine D et un effet positif sur la Covid-19, et non pas d’une simple association. Par exemple pendant de nombreuses années on a observé que les fumeurs souffraient plus de cancer du poumon, mais il aura fallu de nombreuses études pour montrer que la cause était bien liée au tabac. Par exemple on aurait pu imaginer que les fumeurs buvaient plus et l’origine du cancer ne venait pas du tabac mais de l’alcool (on sait désormais que le tabac et l’alcool -surtout abus – provoquent le cancer). Dans la même logique, certains scientifiques estiment que les personnes plus fragiles ont naturellement un taux plus bas de vitamine D et que pour le moment il s’agit plus d’une association que d’un véritable lien de cause à effet. Une étude publiée online en septembre 2020 dans le journal JAMA (DOI : 10.1001/jamanetworkopen.2020.19722) basée sur 489 patients à Chicago (Etats-Unis) a montré que le risque d’être testé positif au Covid-19 augmentait de 1,77 fois chez les personnes avec un déficit en vitamine D que ceux avec un niveau normal de cette vitamine. Cela indiquerait donc un éventuel effet préventif de la vitamine D même si la relation de cause à effet n’a pas pu être prouvée dans cette étude.
Traitement de la Covid-19
En traitement, le lien de cause à effet n’est pas encore clairement établi. Mais des études semblent montrer une possible efficacité de la vitamine D. Une étude publiée en mai 2020 qui a établi un lien entre les données de 20 pays européens a montré un lien entre de faibles niveaux moyens de vitamine D et un nombre élevé de cas et de taux de mortalité dans ces pays. Cette recherche, menée par le Dr Lee Smith de l’université Anglia Ruskin (ARU) et M. Petre Cristian Ilie, urologue en chef du Queen Elizabeth Hospital King’s Lynn NHS Foundation Trust, a été publiée le 7 mai 2020 dans la revue Aging Clinical and Experimental Research (DOI : 10.1007/s40520-020-01570-8).
Une étude espagnole dite pilote publiée fin août 2020 (DOI : 10.1016/j.jsbmb.2020.105751) réalisée dans un hôpital de Cordoba en Espagne indique que la vitamine D pourrait aider à soigner la Covid-19. Dans cette étude, certains patients ont reçu une dose élevée de calcifediol (un dérivé de la vitamine D, facilement absorbé à travers l’intestin) et d’autres un placebo. Mais chacun des deux groupes recevait les mêmes autres traitements classiques contre la Covid-19. Parmi les 50 patients ayant reçu un dérivé de la vitamine D, deux sont entrés aux soins intensifs et aucun n’est mort. Parmi 26 participants du groupe contrôle 13 sont entrés aux soins intensifs et deux sont morts. Comme l’explique le Wall Street Journal, cette étude est trop petite (pas assez de participants) pour être considérée comme concluante (conclusive en anglais). C’est toutefois une étude très encourageante. Deux études prenant en compte jusqu’à 1000 patients sont en cours en Espagne.
Critique d’une société de nutrition allemande
Selon les conclusions de la Société allemande de nutrition (DGE, en allemand Deutsche Gesellschaft für Ernährung), il n’existe aucune preuve fiable d’une protection contre la Covid-19 et autres coronavirus par des compléments alimentaires de vitamine D. La relation de cause à effet entre un faible taux de vitamine D et une maladie grave n’a pas non plus été prouvée selon les études réalisées jusqu’à présent. Ces analyses ont été publiées le 9 février 2021. Les experts ont analysé des dizaines d’études et d’observations de différents pays. Beaucoup de ces études ont rapporté les effets positifs de l’administration de vitamine D au cours de la Covid-19. Toutefois, la plupart des études ont révélé des failles techniques, par exemple parce que le statut vitaminique des personnes testées n’était pas connu avant leur maladie, que les groupes de comparaison étaient très différents ou qu’ils étaient accablés par des facteurs de risque tels que l’obésité ou le diabète. Les nutritionnistes allemands ont conclu : “Actuellement, il n’y a pas d’arguments pour justifier une supplémentation en vitamine D chez les sujets ayant un statut vitaminique D adéquat dans le but de prévenir l’infection par le SARS-CoV-2 ou de réduire la gravité de la maladie Covid 19”.
Pourquoi Creapharma.ch en parle ?
La Covid-19 a fait plus de 2,3 millions de morts dans le monde le 9 février 2021. L’Europe et l’Amérique du Nord, se trouvant dans une saison froide en grande partie, sont particulièrement touchées avec un nombre élevé de décès et d’hospitalisation. Contre la Covid-19, il n’existe actuellement pas de traitements véritablement efficaces (sauf quelques corticoïdes comme la dexaméthasone voire si des études le confirment la ), même si l’arrivée des vaccins offre un vrai espoir d’en finir avec la Covid-19. Il s’agit par conséquent d’une question importante en février 2021. La vitamine D est bon marché et on la trouve dans toutes les pharmacies.
Article mis à jour le 13 février 2021. Par Xavier Gruffat (pharmacien). Sources : La Repubblica, The Wall Street Journal, Keystone-ATS. Références : Aging Clinical and Experimental Research (DOI : 10.1007/s40520-020-01570-8).
Infographies : Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch).
Lire aussi :
– Covid-19 : la vitamine D serait liée à un faible taux de mortalité (étude)
– Doit-on mesurer systématiquement la vitamine D dans le sang ?