La dépendance à la cocaïne est considérée comme une maladie chronique à fort taux de rechute et pour laquelle aucun traitement efficace n’est disponible actuellement. Des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’Inserm et de l’AP-HP ont montré que deux mutations géniques, impliquées dans la conformation des récepteurs nicotiniques présents dans le cerveau, joueraient un rôle dans différents aspects de la dépendance à la cocaïne. Les résultats de cette étude sont publiés dans Progress in Neurobiology.
Il existe environ 18 millions de consommateurs dans le monde et la cocaïne est impliquée dans plus de 50 % des morts par overdose aux États-Unis et 25 % en France. C’est aussi l’une des seules drogues pour laquelle il n’existe aucun traitement pharmacologique approuvé.
La cocaïne agit principalement dans le cerveau en bloquant le transporteur de la dopamine, molécule dite « du plaisir », augmentant ainsi sa concentration dans le système de récompense. Cependant, la cocaïne peut aussi agir directement sur les récepteurs nicotiniques1, présents dans le cerveau. Récemment, plusieurs études génétiques humaines ont suggéré qu’une mutation présente dans le gène codant pour la sous-unité α5 des récepteurs nicotiniques, appelée α5SNP et déjà connue pour augmenter le risque de tabagisme2, entrainerait a contrario une « protection » contre la dépendance à la cocaïne. Cette mutation est très présente dans la population générale (environ 37% des Européens en sont porteurs et jusqu’à 43% de la population au Moyen-Orient) ; il est donc important de mieux comprendre de quelle manière la dépendance à la cocaïne est affectée par la présence de cette mutation, ainsi que d’évaluer, de manière plus générale, l’implication de la sous-unité nicotinique α5 dans les effets de la cocaïne.
Pour ce faire, les chercheurs de l’unité Neurobiologie intégrative des systèmes cholinergiques (Institut Pasteur / CNRS) ont d’abord évalué le rôle de la sous-unité nicotinique α5 et l’impact de la mutation α5SNP sur différents processus impliqués dans le développement de la dépendance à la cocaïne chez des modèles animaux. Les résultats obtenus ont ensuite permis de caractériser de manière plus précise les conséquences chez l’Homme.
Les scientifiques ont observé que la mutation α5SNP réduit l’acquisition du comportement de prise volontaire de cocaïne lors des premières expositions. « Ces données précliniques suggèrent que cette mutation protège contre la dépendance à la cocaïne en agissant sur une phase précoce du cycle de l’addiction » commente Morgane Besson, une des auteurs principaux de l’étude. Grâce à une collaboration avec l’AP-HP et l’Inserm, les chercheurs ont ensuite confirmé cet effet important chez environ 350 patients dépendants à la cocaïne : les porteurs de cette mutation ont une transition plus lente entre la première prise et l’apparition de signes de dépendance. En parallèle, les auteurs ont montré que l’absence totale de la sous-unité nicotinique α5 augmente le risque de rechute après sevrage chez les modèles précliniques. Ceci les a conduits à identifier, chez les patients dépendants, une autre mutation dans une autre sous-unité nicotinique, appelée β4, en association à une rechute plus rapide après sevrage.
Pris dans leur ensemble, ces résultats permettent de mieux comprendre le rôle d’une mutation très fréquente dans la sous-unité nicotinique α5, ainsi que de cette sous-unité en elle-même, sur différentes étapes de dépendance à la cocaïne. Ces travaux suggèrent que des médicaments agissant sur l’activité des récepteurs nicotiniques comportant cette sous-unité α5 pourraient représenter une nouvelle stratégie thérapeutique contre la dépendance à la cocaïne.
Références & Sources :
– Communiqué de presse de l’étude
– Progress in Neurobiology
Personnes responsables et impliquées dans l’écriture de ce dossier :
Seheno Harinjato (Rédactrice chez Creapharma.ch, responsable des infographies), relecture par Xavier Gruffat (pharmacien)
Date de dernière mise à jour du dossier :
25.09.2020
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Crédit infographie :
Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch)