GAND – La majorité des femmes avec des symptômes typiques d’une infection du tractus urinaire comme la cystite, c’est-à-dire souffrant de douleurs à la miction, ont un besoin fréquent ou urgent d’uriner et ont probablement une infection bactérienne, même lorsque aucune bactérie n’est détectée en utilisant un test d’analyse d’urine standard. Baser le diagnostic d’une infection urinaire presque seulement sur les symptômes rapportés par la patiente au lieu de réaliser des examens au cabinet médical et surtout en laboratoire semble faire toujours plus sens. Ces conclusions proviennent d’une étude réalisée par l’Université de Gand en Belgique.
Les symptômes d’une infection du tractus urinaire (ITU) comme la cystite sont fréquents chez les femmes, mais dans environ 1 quart des cas aucune infection n’est détectée en utilisant des tests standards d’échantillon d’urine. La plupart des recommandations (guidelines) mentionnent que le diagnostic d’une ITU sans complication s’effectue chez le médecin sur l’observation des symptômes et l’utilisation d’un test utilisant une jauge (en anglais dipstick testing). Ces tests mesurent en général la quantité de nitrites et de leucocytes dans l’urine, indiquant une éventuelle présence de bactéries. Lorsque ce test par jauge s’avère négatif et qu’il y a notamment encore un doute sur le diagnostic le médecin peut effectuer une culture d’urine. Les médecins généralistes n’effectuent en général pas de culture d’urine, mais s’ils pratiquent ce test ils l’envoient à un laboratoire d’analyse. Bien que ce test standard d’analyse d’échantillons d’urine ne soit pas réalisé de façon routinière au cabinet du médecin généraliste, dans la recherche scientifique une culture d’urine a toujours été considérée comme une méthode d’excellence (gold standard) pour prouver une ITU.
Néanmoins, une nouvelle étude publiée le 27 avril 2017 dans le journal scientifique Clinical Microbiology and Infection utilisant un test plus sensible a trouvé des preuves d’infection bactérienne chez presque toutes les femmes avec des symptômes d’ITU, y compris chez celles où aucune bactérie n’a été découverte avec un test standard d’échantillons d’urine.
Inutilité des tests standards ?
Cette étude, menée par le Dr. Stefan Heytens de l’Université de Gand, va dans le sens d’autres travaux de recherche montrant un manque d’utilité des tests d’urine chez des femmes avec des symptômes d’ITU sans complication.
On estime chez les femmes qu’entre 2 et 5% des consultations médicales chez un médecin généraliste concernent les infections du tractus urinaire. Dans 60 à 80% des cas, un test urinaire révèle une infection bactérienne. Ces tests sont basés sur des techniques de laboratoire détectant des bactéries dans l’urine.
Ces femmes se voient souvent prescrire des antibiotiques comme le nitrofurantoïne, le trimethoprim ou la fosfomycine pour lutter contre les bactéries infectieuses.
Cependant, les médecins ont jusqu’à présent souvent estimé que les femmes avec des tests négatifs n’ont pas d’infection bactérienne. Dans le passé, ce groupe de femmes aurait pu être été diagnostiqué comme un «syndrome de l’urètre » inexpliqué et selon certains chercheurs et médecins ce syndrome serait psychosomatique.
Renvoyées sans antibiotiques
Le Dr. Heytens, un médecin généraliste qui exerce en cabinet et est également chercheur à l’Université de Gand, explique : « Un pourcentage significatif de femmes qui se rendent chez leur généraliste avec des symptômes d’ITU, testées négativement pour une infection bactérienne, sont informées qu’elles n’ont pas d’infection et renvoyées à la maison sans traitement. » Il poursuit : « A l’inverse, les femmes avec un test positif se voient souvent prescrire des antibiotiques sur une courte période de temps pour traiter leur infection. »
Détail de l’étude
Cette étude a pris en compte 309 femmes belges, incluant 220 femmes qui se rendaient chez leur médecin généraliste pour des symptômes d’ITU et 86 volontaires en bonne santé. Toutes les femmes ont donné des échantillons d’urine.
Ces échantillons ont été testés en utilisant la méthode standard pour identifier une éventuelle croissance bactérienne. Ces échantillons ont aussi été testés en utilisant une technique appelée réaction en chaîne par polymerase quantitative (en anglais : quantitative polymerase chain reaction ou qPCR). Cette méthode est très sensible et peut être utilisée pour détecter des très petites quantités d’ADN qui proviennent de bactéries pouvant provoquer une ITU comme Escherichia coli (E. coli) ou Staphloccocus saprophyticus (S. saphrophyticus).
Grandes différences entre les méthodes
Parmi les femmes avec des symptômes d’ITU, le test standard a détecté des bactéries dans 80,9% des échantillons d’urine. Mais le test plus précis qPCR a découvert 95,9% de bactéries E.Coli dans les échantillons et 8,6% de S. saphrophyticus. La combinaison des résultats de ces deux tests a révélé une infection chez 98,2% des femmes présentant des symptômes.
Chez les femmes sans symptôme, les tests standards ont trouvé la bactérie E. coli dans 10,5% des échantillons et par qPCR ce nombre était de 11,6%. Comme précisé dans une interview à Creapharma, le Dr. Heytens relève que le but de rechercher des bactéries E.Coli chez des femmes sans symptôme a permis de montrer que la méthode par qPCR n’était pas trop sensible. Le fait que le chiffre de 11,6% obtenu par qPCR était relativement bas montrait la validité de cette méthode.
Le Dr. Heytens résume : « Dans cette étude, nous avons utilisé un test plus sensible pour découvrir les bactéries qui provoquent en général une ITU. Nous avons trouvé E.Coli chez presque toutes les femmes se plaignant de symptômes, même si le test standard d’échantillons d’urine était négatif. Cela montre que si une femme a ces symptômes, elle souffre probablement d’une ITU. »
Pour le médecin belge, ces résultats vont dans le sens de précédentes études qui indiquent qu’utiliser des tests traditionnels ou standard ne serait pas utile lors d’ITU sans complication. Néanmoins, ces tests standards pourraient continuer à jouer un rôle si le traitement échoue ou lors de signes ou symptômes caractérisant une ITU avec des complications.
Il explique aussi : “Ce que nous ne savons pas encore, c’est si toutes les femmes souffrant de ces symptômes pourraient bénéficier d’un traitement antibiotique”.
Pour conclure le communiqué, le Dr. Heytens relève que ces résultats devront être confirmés par de futures études.
Et les tests vendus en pharmacie ?
Interrogé par Creapharma.ch, le Dr. Heytens relève que les tests de jauge qui identifient souvent la présence de nitrites vendus dans certains pays comme la Suisse en pharmacie ou utilisés par les médecins en cabinet médical (sans envoyer à un laboratoire) ne sont en général pas très précis. Selon le médecin belge, un résultat positif basé sur la présence de nitrates indique presque toujours une infection urinaire, le problème est lorsque le test est négatif. Dans ce cas, qui porte aussi le nom de “faux-négatif”, la femme peut, malgré un test négatif, avoir une infection bactérienne.
Le Dr. Heytens mentionne que les recommandations hollandaises affirment qu’une femme peut facilement reconnaître les symptômes de la cystite si elle a déjà souffert dans le passé d’une ITU. Selon le médecin, le diagnostic des infections urinaires est de plus en plus une question de jugement , c’est-à-dire basé sur l’observation des symptômes. Les conclusions de son étude vont justement dans le sens de baser le diagnostic de la cystite davantage sur les symptômes rapportés par la patiente que d’effectuer des tests de diagnostic.
Le 8 mai 2017. Par Xavier Gruffat (pharmacien). Correction du texte : Christine Gruffat.
Sources : communiqué de presse de l’étude, interview réalisée par Creapharma.ch avec le Dr. Heytens par e-mail entre le 5 et 7 mai 2017 (en anglais, puis traduit en français).
Référence de l’étude : S. Heytens, A. De Sutter, L. Coorevits, P. Cools, J. Boelens, L. Van Simaey, T. Christiaens, M. Vaneechoutte, G. Claeys. Women with symptoms of a urinary tract infection but a negative urine culture: PCR-based quantification of Escherichia coli suggests infection in most cases. Clinical Microbiology and Infection, 2017; DOI: 10.1016/j.cmi.2017.04.004
A retenir principalement de cette étude (Takeaways) :
– Presque toutes les femmes qui souffrent des symptômes typiques de l’infection du tractus urinaire (ex. cystite) comme des douleurs ou une envie fréquente d’uriner ont réellement une infection bactérienne, malgré des résultats négatifs parfois donnés par un test d’analyse d’urine standard.