Les médicaments, en vente libre (OTC en anglais) ou sur ordonnance, font partie de la vie quotidienne pour la plupart d’entre nous ou de nos proches. Malheureusement dans la masse actuelle de produits commercialisés en pharmacie (ex. en Suisse plus de 4000 médicaments), il est facile d’ignorer ou d’oublier certaines informations importantes. Nous avons résumé pour vous 3 informations à connaître, forcément non exhaustives, pour éviter de souffrir de complications pouvant être très graves.
1. Chaque personne peut réagir différemment à un médicament (pharmacogénétique)
Certains individus réagissent de façon positive à un médicament et d’autres, au contraire, de façon négative. L’origine de ce problème provient notamment de différences génétiques qui mènent à une synthèse différente d’enzymes, celles-ci sont en grande partie localisées dans les cellules du foie. Ces enzymes (des cytochromes ou CYP) sont responsables du métabolisme, à comprendre ici dans le sens de l’élimination des médicaments. Un déficit de l’enzyme hépatique dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD) peut aussi mener à de graves effets secondaires lors de chimiothérapie (environ 9% des Caucasiens ont un manque de DPD et 0,5% ne produit aucune enzyme DPD1).
On estime qu’environ 95% des individus ont au moins une variation génétique pouvant mener à un métabolisme différent de la moyenne des médicaments. La science ou discipline qui étudie ce phénomène s’appelle la pharmacogénétique.
Par exemple, environ 25% des personnes n’arrivent pas à métaboliser le clopidogrel (Plavix®), un fluidifiant sanguin, avec pour conséquence une augmentation du risque d’infarctus du myocarde et d’AVC.
Un autre exemple est la codéine, indiqué notamment en cas de douleurs, vendu souvent en association avec du paracétamol (ex. en France Dafalgan® Codéine ou en Suisse Co-Dafalgan®). Chez environ 10% des personnes (8% au Royaume-Uni1), la codéine ne présente que très peu d’effets contre les douleurs (on parle de métaboliseurs lents), par contre chez environ 2% de la population la molécule peut être très active (métaboliseurs rapides) menaçant la vie du patient et menant à une possible addiction.
L’oméprazole, un médicament très utilisé et indiqué notamment lors de brûlures d’estomac, n’est pas toujours correctement éliminé chez certaines personnes. En effet, jusqu’à 15% des individus prenant ce médicament métabolisent l’élimine très lentement. La conséquence est une concentration plus élevée dans le sang avec un risque augmenté d’effets secondaires. Certaines statines peuvent aussi mener à des interactions de type génétique.
Screening
Dans le futur, des examens ou tests génétiques pourraient être proposés davantage au patient afin de connaître la réaction à ces médicaments métabolisés différemment d’un individu à l’autre. Autrement dit, identifier les principaux enzymes menant à des interactions. Il existe actuellement déjà certains tests vendus sur le marché, notamment aux Etats-Unis ou dans certains pays d’Europe, pouvant identifier le risque génétique. Ils sont toutefois souvent chers et rarement remboursés par les assurances maladie, en Hollande un test identifiant 50 pharmaco-gènes (en anglais pharmacogenes) coûtait en avril 2022 la somme de 200 euros. Certains hôpitaux américains ainsi qu’européens pratiques actuellement (année 2022) des tests génétiques sur certains de leurs patients pour identifier (screening) des dizaines de gènes menant à des effets secondaires ou à des interactions médicamenteuses1.
Sans test génétique, il s’agira de consulter votre médecin ou pharmacien si lors de prise de médicaments vous présentez des réactions inhabituelles.
Pour aller plus loin à ce sujet, découvrez le site de l’Université de Stanford sur la pharmacogénétique (le lien marchait à la date de mise à jour de l’article, le 4 septembre 2020) : www.pharmgkb.org
2. Attention au risque d’interactions, y compris entre des médicaments en vente libre et sur ordonnance
Tout comme dans le point 1., les interactions entre médicaments sont en général liées à des enzymes hépatiques mais il est aussi possible que des protéines plasmatiques comme l’albumine ou que des différences dans l’absorption du médicament soient impliquées. En fait, de nombreuses causes peuvent mener à des interactions.
Par exemple, on peut observer des interactions dites de concurrence entre différents médicaments, comme c’est le cas lors de la prise d’Aspirine® (acide acétylsalicylique) et de Sintrom® (coumarine). Si la prise de ces deux médicaments n’est pas suivie par un spécialiste de la santé, il peut il y avoir des risques graves d’hémorragies. Dans ce cas un médicament déplace l’autre et augmente sa concentration dans le sang. Il peut s’en suivre des saignements surtout lors de consommation quotidienne.
Il faut savoir que d’autres anti-inflammatoires que l’Aspirine® peuvent mener à des interactions avec les fluidifiants sanguins comme la coumarine ou encore le clopidogrel. On peut citer notamment l’ibuprofène et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en général.
Interactions entre traitements naturels
Les fluidifiants sanguins comme le clopidogrel peuvent également mener à des interactions avec des compléments alimentaires notamment naturels comme le ginkgo, le curcuma, la canneberge (cranberry), l’huile de poisson ou la grande camomille (feverfew). Il peut s’en suivre une augmentation des saignements surtout lors de consommation quotidienne.
3. Attention à l’accumulation de molécules
Il existe malheureusement sur le marché des médicaments contenant plusieurs molécules. C’est notamment le cas de médicaments vendus sans ordonnance contre le rhume qui peuvent contenir du paracétamol en plus d’autres molécules contre la rhinite (ex. en Suisse dans NeoCitran® Grippe/Refroidissement). Le problème est que souvent le patient ignore que ces médicaments contiennent du paracétamol. Par conséquent, ils vont acheter un autre médicament contenant seulement du paracétamol pour lutter contre la douleur et la fièvre. Le risque est une accumulation du paracétamol, or on sait qu’en excès cette molécule est potentiellement très toxique pour le foie. C’est pourquoi, certains médecins et pharmaciens déconseillent d’utiliser des médicaments contenant plusieurs molécules et recommandent des mono-substances (mono-molécules). Il s’agira d’être particulièrement vigilant chez les enfants et les personnes âgées.
Finalement, rappelez-vous que votre pharmacien est le spécialiste des médicaments et pourra vous aider en cas de questions spécifiques et personnelles sur la prise de médicaments.
Article mis à jour le 4 mai 2022. Par Xavier Gruffat (pharmacien dipl. EPF Zurich, MBA). Sources : The Wall Street Journal, Prevention (magazine de santé américain), The Economist.
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