BALTIMORE – Les médecins apprécient une grande partie de leurs patients, mais une majorité préfère certains plus que d’autres, selon une étude réalisée par des chercheurs de l’université Johns Hopkins à Baltimore (Etats-Unis). Il s’agirait de l’une des premières études publiées explorant les aspects positifs de l’attitude du médecin envers ses patients. Les scientifiques ont interrogé 25 médecins, parmi eux 22 ont répondu avoir des patients préférés ou favoris. Ces derniers étaient des patients actuels ou traités dans le passé par les médecins.
Relation médecin-patient
Les chercheurs estiment que comprendre cet aspect de la relation médecin-patient met en lumière la façon dont les patients et médecins pourraient mieux travailler les uns avec les autres. Cela signifie que les patients voient leur médecin régulièrement et les médecins se sentent valorisés par leurs patients, afin notamment de faire en sorte qu’ils évitent le burnout (syndrome d’épuisement professionnel).
“Pour les patients, ces résultats mettent en avant l’importance d’avoir un médecin généraliste (ndlr. en anglais le terme original est médecin de soins primaires) avec qui ils peuvent établir une relation,” a affirmé l’auteur principal de l’étude, le Dr. Joy Lee, post-doctorant à la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health. Dr Lee poursuit : “Les patients préférés ne sont pas forcément constamment malades, mais quand un problème médical survient ils ont une bonne relation pour travailler avec le médecin.”
Mais qui sont ces patients préférés ?
Étonnamment, plusieurs médecins ont affirmé que leurs patients favoris n’étaient pas forcément les plus accommodants ou ceux qui leurs ressemblaient le plus. Il s’agissait plutôt de patients connus du médecin depuis plusieurs années et qui avaient été très malades. Cela signifie que les médecins les ont vus fréquemment et ont passé plus de temps avec eux.
Trois médecins, parmi les 25 interrogés, ont affirmé ne pas avoir de patients favoris. Tous les médecins, ayant ou non des patients préférés, ont affirmé qu’ils cherchaient à fournir les meilleurs soins à leurs patients en faisant abstraction des sentiments à leurs sujets.
“Cette préoccupation démontre que les médecins cherchent à être juste et donner à tous leurs patients les meilleurs soins possibles,” relève Dr Lee. Il affirme aussi : “Nous avons découvert que les médecins pensaient vraiment à leur relation avec les patients, ce qui est encourageant du point de vue du patient. Leur attitude humanise vraiment la relation patient-médecin.”
Les médecins avec des patients préférés ont indiqué qu’ils étaient conscients de devoir fixer certaines limites autour de la relation médecin-patient, comme par exemple éviter de se socialiser avec les patients en dehors du cabinet médical ou d’éviter de “devenir ami” sur les réseaux sociaux comme Facebook.
Pour arriver à ces conclusions, les scientifiques de Baltimore ont interviewé 25 médecins (médecins de soins primaires pour être précis) travaillant pour le système médical de l’université Johns Hopkins. Les médecins étaient principalement blancs (21, ou 84%) et un peu plus de la moitié était des femmes (14, ou 56%). Les entrevues étaient ouvertes mais surtout centrées autour de huit questions sur les perceptions des médecins avec un patient favori, un terme pour lequel il n’y a toutefois pas de définition de consensus.
Au niveau de la politique de la santé, ces résultats vont dans le sens pour un patient de s’adresser si possible toujours à un même médecin référent pour construire une véritable relation de confiance. C’est aussi le concept de médecin de famille, avec un suivi de générations en générations pour une même famille.
Meilleure prise en charge
En fait, l’avantage perçu le plus tangible pour les patients préférés pourrait être que leurs médecins, après avoir passé beaucoup de temps avec eux, seraient mieux placés pour prendre soin d’eux en raison de la connaissance de leurs cas.
Un médecin participant a relevé : “Il y a une vérité sur le fait que mes patients préférés probablement m’entendent plus rapidement que mes patients moins préférés.”
Les médecins n’ont pas identifié d’autres avantages substantiels pour les patients préférés, en comparaison avec ceux moins appréciés.
Des êtres humains
“Je pense qu’il aurait été surprenant si les médecins n’avaient pas de patients favoris”, a affirmé un autre auteur de l’étude Dr. Albert Wu également de l’Université Johns Hopkins. Selon Dr. Wu : “Les médecins sont aussi des êtres humains, et comme humains nous avons nos préférences – autant dans notre vie privée que professionnelle. C’est bien de reconnaître cet aspect.”
Un médecin participant a observé un aspect intéressant : “Des patients avec qui je pensais que je ne pourrais jamais apprécier sont devenus avec le temps mes favoris grâce à une expérience partagée de pouvoir les connaître pendant plus d’une décennie.”
Cette étude a été publiée dans la version online de la revue spécialisée Patient Education and Counseling le 21 juin 2016.
Commentaire de Creapharma, analogie avec le marketing
En marketing on sait par différentes études que plus on visualise un produit, par exemple à travers des publicités, et plus le consommateur devient familier avec la marque. Cette méthode portant sur de multiples expositions notamment visuelles a pour but d’augmenter les ventes du produit en question. Même si les auteurs ne mentionnent pas cette analogie avec les théories du marketing, il est possible comme le montre cette étude de Baltimore que l’attachement du médecin à un patient soit lié tout simplement à la fréquence des visites médicales. Comme en marketing, plus un médecin fréquente un patient et plus il devient familier. C’est peut-être le fonctionnement naturel d’un cerveau humain autant dans le domaine économique que médical.
Le 25 juillet 2016. Par Xavier Gruffat (pharmacien dipl. EPFZ, dipl. MBA). Source : communiqué de presse de l’étude, résumé (Abstract). Crédits photos: Fotolia.com
A retenir de cette étude:
– La majorité des médecins ont des patients préférés, la durée de la relation patient-médecin semble déterminante pour qu’un patient devienne un favori du médecin.
– Un patient “mal aimé” par le médecin peut devenir avec les années de traitement un patient favori.
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